LA HAVANE (AFP) - Le gouvernement cubain, sur la défensive face à la réprobation internationale suscitée par la plus intense répression de ces dernières années, a lancé vendredi un message sans équivoque face à toute tentative de déstabilisation en exécutant sommairement trois des auteurs du détournement d'un bateau.
Les trois principaux responsables du détournement la semaine dernière d'une embarcation cubaine qui assurait la navette entre divers quartiers de la baie de La Havane avec quelque 40 passagers à bord ont été exécutés, a annoncé le gouvernement cubain dans un communiqué.
Les sentences ont été ratifiées par le Tribunal Suprême et "analysées par le Conseil d'Etat" (dont Fidel Castro est le président) en tenant en compte de "la gravité des faits pour la sécurité du pays, soumis à un plan sinistre de provocations alimentées par les secteurs les plus extrémistes du gouvernement américain et ses alliés de la mafia terroriste de Miami avec le seul but de créer des conditions et des prétextes pour agresser notre patrie" ajoute le communiqué.
La navette avait été détourné le 2 avril par un groupe d'hommes armés de couteaux et de pistolets, exigeant d'être approvisionnés en carburant pour se rendre aux Etats-Unis.
Dans un communiqué lu à la télévision cubaine, les autorités ont indiqué que les onze responsables du détournement ont été soumis à une procédure dite "sommaire" et condamnés mardi pour "graves délits de terrorisme".
En raison du "caractère très dangereux" des faits et de "la conduite des accusés", les trois principaux responsables du détournement - "les plus actifs et les plus brutaux" selon le communiqué - ont été condamnés à la peine capitale et exécutés vendredi matin.
Dans une première réaction, un des leaders de la dissidence cubaine épargné par la récente vague de répression, Elizardo Sanchez, qui dirige la Commission cubaine des droits de l'homme et la réconciliation nationale (CCDHRN - illégale) s'est déclaré "absolument consterné, car en aucun cas la peine de mort ne se justifiait".
"C'est une régression lamentable au moratoire de facto d'avril 2000 qui avait suspendu l'application de la peine de mort", a-t-il dit à l'AFP.
Ces exécutions interviennent à l'issue d'une semaine où de lourdes condamnations, allant de 6 à 28 ans de prison ont été infligées contre 75 dissidents accusés d'avoir attenté à la sécurité de l'Etat, au terme de procès qui n'ont duré que quelques heures.
Plusieurs personnalités de premier plan tels le poète Raul Rivero, et l'économiste Marta Beatriz Roque ont été condamnés à 20 ans de prison. Le médecin dissident Oscar Bisset a lui été condamné à 25 ans de prison.
Face aux protestation internationales, dont celles des Etats-Unis et du Parlement européeen qui réclament la "libération immédiate" des dissidents, le gouvernement cubain a présenté les peines infligées comme la réponse "à l'aggressivité" de la politique américaine contre l'île.
"Nous avons le droit de défendre notre propre système politique et notre droit à l'autodétermination", a ainsi déclaré le ministre des affaires étrangères Felipe Perez Roque lors d'une conférence de presse mercredi qui a duré près de quatre heures et qu'il a illustrée de documents, photos et témoignages vidéos d'agents de la sécurité de l'Etat infiltrés dans les mouvements dissidents, destinés à prouver les liens de ces derniers avec les Etats-Unis.
"Nous avons été patients, tolérants, mais les activités de James Cason (chef de la section des intérêts américains à La Havane) nous ont obligés à appliquer nos lois", a-t-il dit. "Nous n'avions pas le choix".
Il a ajouté que les dissidents sont des "mercenaires à la solde de Washington" qui est "obsédé par l'idée de fabriquer de toutes pièces une opposition à Cuba et de créer une cinquième colonne" pour conspirer contre le gouvernement de Fidel Castro.