LAGOS (AFP) - La Nigériane Amina Lawal, condamnée à la lapidation par un tribunal islamique pour avoir eu un enfant hors mariage, doit à nouveau comparaître mercredi devant une cour du nord du pays où elle espère voir aboutir un procès en appel déjà reporté deux fois.
Cette mère de famille de 31 ans a acquis une notoriété mondiale en mars 2002, quand un tribunal islamique du nord du Nigeria l'a condamnée à la mort par lapidation pour avoir eu son troisième enfant alors qu'elle était divorcée, un crime selon la charia, la loi islamique appliquée dans le nord du pays.
Cette villageoise de l'Etat de Katsina (nord), dénoncée aux autorités religieuses par des voisins, n'est pas la seule Nigériane condamnée à mort par lapidation pour relations sexuelles hors mariage, mais son sort est devenu emblématique et a provoqué de nombreux mouvements de sympathie dans le monde.
Plusieurs condamnations à la lapidation ont été prononcées au Nigeria depuis la réintroduction de la charia dans les affaires pénales, en 2000, dans 12 Etats du nord du Nigeria, à majorité musulmane. Mais pour l'instant, aucune de ces sentences n'a été exécutée. Des amputations ont en revanche été infligées à des personnes condamnées pour vol.
Mercredi, devant la cour d'appel islamique de l'Etat de Katsina, Amina sera défendue par des avocats nigérians de renom, accompagnés d'observateurs étrangers, pour un procès suivi par les médias internationaux.
L'année dernière, la condamnation d'Amina et le premier report de son procès en appel avaient éclipsé l'acquittement de Safiya Husseini, 34 ans, une autre Nigériane condamnée en première instance à la lapidation pour les mêmes motifs.
Depuis, Amina et Safiya sont devenues des célébrités dans le monde entier, faisant les couvertures des journaux, inspirant diverses actions de soutien, et Safiya a même été reçue à Rome par Walter Veltroni, le maire de la capitale italienne dont elle est devenue citoyenne d'honneur.
Ces affaires mettent dans l'embarras le gouvernement fédéral du président Olusegun Obasanjo, pris entre les pressions étrangères et la population musulmane qui représente près de la moitié des 120 millions de Nigérians.
M. Obasanjo, qui a promis que les cours d'appel fédérales annuleraient toute condamnation à mort par lapidation, espère toutefois que la Cour d'appel islamique de Katsina infirmera la condamnation avant que la procédure n'atteigne un niveau fédéral.
Si ce procès paraît être à certains celui de l'application de la charia, les partisans d'Amina se concentrent sur la défense de la jeune femme.
"Nous faisons du cas par cas. Chaque affaire a ses particularités", estime Ezinne Ndidi Ekekwe, de l'association féministe Baobab, qui soutient Amina.
Son association, de même que les avocats d'Amina, se placent dans le cadre de la loi islamique pour faire valoir que des erreurs de fond et de procédure ont été commises.
Les avocats d'Amina affirment que son premier procès a été injuste, que la condamnation se base sur un témoignage non fiable, et que la jeune femme a été jugée par un seul magistrat, au lieu de trois, comme le requiert la loi.
Ils ajoutent qu'elle n'était pas en mesure de comprendre son inculpation et de saisir les conséquences de ses propos lors du procès. Ils affirment enfin qu'Amina, divorcée, était déjà enceinte quand la charia est entrée en application dans l'Etat de Katsina, et que l'"adultère" était donc antérieur.
Selon la loi pénale en vigueur dans le nord du Nigeria avant la charia, l'adultère est passible de prison.
Un premier appel, en août 2002, avait été rejeté par la cour islamique de Funtua (nord). Les avocats d'Amina Lawal avaient alors décidé de faire appel devant la Cour islamique de l'Etat à Katsina.
Le procès en appel, qui devait avoir lieu initialement en mars dernier, avait été ajourné au 3 juin, puis au 27 août.