Le Parlement européen ,
– vu ses précédentes résolutions sur les droits de l'homme et la démocratie au Pakistan, en particulier celles du 12 juillet et du 25 octobre et du 15 novembre 2007,
– vu les conclusions du Conseil adoptées le 16 novembre 2009 sur la liberté de religion ou de conviction dans lesquelles il souligne l'importance stratégique de cette liberté et de la lutte contre l'intolérance religieuse,
– vu la déclaration conjointe UE-Pakistan du 17 juin 2009, dans laquelle les deux parties ont souligné l'importance d'une stratégie à long terme comprenant le développement socio-économique et l'état de droit, et reconnaissant l'importance des moyens non militaires pour lutter contre le terrorisme,
– en perspective du deuxième sommet UE-Pakistan le 4 juin 2010,
– vu la résolution intitulée "Lutter contre la diffamation des religions" adoptée à une étroite majorité au Conseil des droits de l'homme des Nations unies le 25 mars, qui est proposée chaque année par le Pakistan au nom de l'Organisation de la Conférence islamique (OIC),
– vu la déclaration du 4 avril 2010 du Haut représentant de l'Union européenne Catherine Ashton sur les attaques au Pakistan, ainsi que celle du 20 avril 2010 portant sur l'adoption du 18è amendement constitutionnel,
– vu l'article 18 de la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 (DUDH),
– vu la déclaration des Nations unies sur l'élimination de toutes les formes d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction, du 25 novembre 1981,
– vu l'article 122, paragraphe 5, de son règlement,
A. considérant que l'article 3, paragraphe 5, du traité sur l'Union européenne dispose que la promotion de la démocratie et le respect des droits de l'homme et des libertés civiles constituent des principes et des objectifs fondamentaux de l'Union européenne, et représentent le terreau commun de ses relations avec les pays tiers,
B. considérant que la religion majoritaire et religion d'État au Pakistan est l'islam sunnite et que les groupes religieux ou de convictions minoritaires sont composés des chrétiens, des hindous, des sikhs, des chiites, des Ahmadis, des bouddhistes, des farsis et des bahaïs,
C. considérant que le Pakistan est l'un des pays clés dans la lutte contre le terrorisme et l'expansion de l'extrémisme violent,
D. considérant que sa stabilité interne et ses institutions démocratiques sont mises à rude épreuve par le nombre croissant d'attaques violentes perpétrées par des extrémistes qui ont lieu presque quotidiennement,
E. considérant que la menace incessante des forces musulmanes radicales opérant de part et d'autre de la frontière pakistano-afghane rend les efforts concertés au niveau international pour soutenir et revigorer le développement économique et social au Pakistan d'autant plus impérieux,
F. considérant que les droits des minorités inscrits dans la vision du père fondateur du Pakistan, Mohammed Ali Jinnah, comme exprimés dans son discours devant l'Assemblée constituante en 1947 : "Vous pouvez appartenir à n'importe quelle religion, caste ou croyance – cela n'a rien à voir avec les affaires de l'État… Nous partons du principe fondamental que nous sommes tous des citoyens et les citoyens d'un État",
G. considérant que le chapitre sur les droits fondamentaux de la Constitution du Pakistan de 1973 garantit la liberté de professer une religion et de gérer des institutions religieuses (article 20), l'égalité de tous les citoyens (article 25) et les droits et les intérêts légitimes des minorités (article 26),
H. considérant par ailleurs que l'article 260 de la Constitution fait une distinction entre les musulmans et les non-musulmans, permettant ainsi une discrimination sur la base de la religion,
I. considérant que les rapports et les enquêtes réalisées par les agences indépendantes révèlent que les minorités au Pakistan sont privées des libertés civiles fondamentales et de l'égalité des chances en matière d'emploi, d'éducation et de représentation politique,
J. considérant que l'on estime à plus de 85% le nombre de femmes au Pakistan qui subissent des violences domestiques, tant physiques que psychologiques; que la violence à l'égard des filles et des femmes, qui inclut le viol, la violence domestique et les mariages forcés, demeure un problème sérieux, qui est en partie imputable à la sharia,
K. considérant que le gouvernement du Pakistan a désigné un porte-parole pour les minorités et un membre du Parlement pakistanais, Shahbaz Bhatti, ministre fédéral pour les questions des minorités en novembre 2008, en élevant cette position à un niveau ministériel pour la première fois,
L. considérant que depuis novembre 2008, le gouvernement du Pakistan a créé un quota de cinq pour cent pour les minorités dans le secteur des emplois fédéraux, qu'il a reconnu les jours fériés non musulmans, qu'il a proclamé le 11 août Journée nationale des minorités, et qu'il a réservé des sièges au sénat pour les représentants des minorités,
M. considérant que le 25 décembre 2009, le Président Asif Ali Zardari a réaffirmé l'engagement du Parti populaire pakistanais de défendre le droit des membres de toutes les minorités d'être traités comme des citoyens égaux,
N. considérant qu'il existe une contradiction entre l'engagement du gouvernement du Pakistan envers la liberté de religion et son rôle déterminant dans l'Organisation de la Conférence islamique en approuvant le programme de "lutte contre la diffamation des religions" aux Nations unies,
O. considérant que les dispositions légales connues sous le nom de "lois sur le blasphème", introduites en 1982 et 1986, sapent les droits religieux et des minorités fondamentaux garantis par la Constitution; considérant que la peine de mort ou l'emprisonnement à vie sont prévus à la section 295 C du code pénal pakistanais dans les affaires de blasphème,
P. considérant que les lois sur le blasphème sont utilisées abusivement par les groupes extrémistes et ceux qui souhaitent régler des comptes personnels, et qu'elles ont conduit à une montée de violence contre les membres de minorités religieuses, en particulier les Ahmadis, mais aussi les chrétiens, les hindous, les sikhs, les chiites, les bouddhistes, les farsis, les bahaïs ainsi que les citoyens critiques qui osent élever la voix contre les injustices,
Q. considérant que la grande majorité des personnes accusées en vertu des lois sur le blasphème sont musulmanes, mais que les accusations contre les individus issus de croyances minoritaires peuvent déclencher des flambées de violence disproportionnées contre toute leur communauté; considérant que ce sont des accusations blasphématoires qui ont déclenché des violences anti-chrétiennes à Gojra et à Korian à l'été 2009, qui ont fait huit morts et détruit au moins une centaine de maisons,
R. considérant qu'en 2009, 76 personnes ont été accusées de blasphème dans 25 affaires enregistrées, 17 personnes ayant été accusées en vertu de la section 295 C du code pénal pakistanais,
S. considérant que les avocats et les militants des droits de l'homme au Pakistan font souvent l'objet de menaces de mort et de harcèlement, que les avocats qui défendent les affaires de blasphème sont particulièrement exposés à de tels risques, et que bon nombre de personnes qui ont été acquittées doivent passer le reste de leur vie recluses,
T. considérant qu'au mois d'août 2009, le premier ministre pakistanais Gilani a annoncé l'établissement d'une commission chargée d'examiner et d'améliorer les "lois portant atteinte à l'harmonie religieuse", faisant allusion dans sa déclaration aux lois sur le blasphème de 1982 et de 1986; considérant toutefois qu'à ce jour, aucune révision n'a été proposée,
U. considérant que les musulmans Ahmadiyya au Pakistan subissent fréquemment des discriminations et des persécutions soutenues par les dispositions anti-Ahmadiyya de la section 298 du code pénal pakistanais, un exemple récent étant le meurtre d'un professeur Ahmadi à la retraite par des hommes masqués le 5 janvier 2010,
V. considérant que le gouvernement du Pakistan est en passe de ratifier le pacte international relatif aux droits civils et politiques et la convention des Nations unies de 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;
1. se félicite des mesures prises dans l'intérêt des minorités religieuses par le gouvernement pakistanais depuis novembre 2008, telles que l'établissement d'un quota de cinq pour cent pour les minorités dans le secteur des emplois fédéraux, la reconnaissance des jours fériés non musulmans et la proclamation de la Journée nationale des minorités;
2. soutient sans réserve les efforts déployés par le ministre fédéral chargé des questions des minorités pour établir un réseau de comités locaux pour l'harmonie interreligieuse en vue de promouvoir le dialogue et d'apaiser les tensions religieuses; invite tous les autres niveaux de gouvernement, y compris les États, à souscrire pleinement à ces mesures;
3. se félicite de l'engagement pris par le premier ministre du Pakistan d'octroyer des droits de propriété aux habitants des bidonvilles issus des minorités à Islamabad;
4. se félicite de l'engagement du gouvernement pakistanais de prévoir des sièges au Sénat pour les minorités, y compris pour les femmes représentant des groupes minoritaires au Sénat et espère que ces engagements seront remplis;
5. invite le gouvernement du Pakistan à revoir la pratique consistant à inclure l'identité religieuse de ses citoyens sur tous les nouveaux passeports, afin d'éviter toute pratique discriminatoire;
6. exprime sa solidarité avec le gouvernement du Pakistan dans la lutte contre le terrorisme et la propagation de l'extrémisme violent;
7. est profondément préoccupé par le fait que les lois sur le blasphème - qui peuvent entraîner la peine de mort au Pakistan et qui sont souvent invoquées pour justifier la censure, la criminalisation, la persécution, et dans certains cas, les assassinats de membres de minorités politiques, raciales et religieuses - préparent la voie à des abus qui touchent les gens de toutes confessions au Pakistan;
8. invite le gouvernement pakistanais à revoir en profondeur les lois sur le blasphème et leur application actuelle ainsi que, notamment, la section 295 C du code pénal, qui prescrit la peine de mort obligatoire pour toute personne reconnue coupable de blasphème et, dans le même temps, à apporter les amendements proposés par le ministre fédéral chargé des questions des minorités;
9. invite le gouvernement à donner suite à sa promesse de 2008 de commuer toutes les condamnations à mort en peines de prison comme un premier pas vers l'abolition de la peine de mort;
10. rappelle la déclaration répétée de la Commission, en réponse aux questions écrites parlementaires, qu'elle suit de près la réaction du gouvernement pakistanais à la violence déclenchée par les accusations de blasphème à Gojra et à Korian; et invite la Commission à demander des détails sur les progrès tangibles réalisés, en particulier en ce qui concerne le procès des coupables;
11. exprime en particulier sa préoccupation face aux discriminations et à la persécution dont est toujours victime la communauté Ahmadiyya au Pakistan et appelle le gouvernement du Pakistan à abroger la Section 298 du code pénal pakistanais, qui restreint gravement la vie quotidienne de cette communauté, et décourage les manifestations incendiaires telles que les conférences sur "la fin de la prophétie" à Lahore;
12. demande aux autorités pakistanaises de mettre pleinement en œuvre l'arrêt de la Cour suprême pakistanaise en vertu duquel elles sont tenues d'assurer l'enregistrement de tous les électeurs éligibles sur les nouvelles listes électorales, y compris les musulmans Ahmadiyya;
13. est préoccupé par l'abus possible de la campagne de "lutte contre la diffamation des religions" aux Nations unies, soulignant les conclusions du Conseil du 16 novembre 2009 selon lesquelles la législation internationale en matière de droits de l'homme protège les individus et les groupes d'individus et que, à cet égard la diffamation des religions n'est pas un concept de droits de l'homme;
14. invite le gouvernement du Pakistan à ratifier pleinement et sans réserve le pacte international de 1966 relatif aux droits civils et politiques et la convention des Nations unies de 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ; considère que la liberté de croyance telle que consacrée par le Pacte de l'ONU constitue le cadre de référence adéquat auquel tous les signataires devraient adhérer, en assurant la protection de leurs citoyens afin de leur permettre d'exercer librement leur foi;
15. invite le gouvernement à garantir les droits de l'homme des minorités énoncés dans la Constitution et la déclaration universelle des droits de l'homme, notamment son article 18 qui dispose que "toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion;
16. soutient toutes les initiatives visant à promouvoir le dialogue et le respect mutuel entre les communautés; invite les autorités politiques et religieuses à promouvoir la tolérance et à prendre des initiatives contre la haine et l'extrémisme violent;
17. prie instamment le gouvernement du Pakistan de mettre en œuvre les réformes proposées du système éducatif et de règlementer et d'inspecter les écoles coraniques; invite les autorités pakistanaises à supprimer toute propagande prônant la haine, la supériorité religieuse et la diffamation des religions des manuels approuvés par le département du ministère de l'éducation chargé des programmes scolaires;
18. invite le gouvernement du Pakistan à faciliter la visite du rapporteur spécial des Nations unies pour la liberté de religion ou de conviction, Mme Asma Jahngir, au Pakistan;
19. invite le Conseil et la Commission à inclure les droits des minorités au Pakistan à l'ordre du jour du prochain sommet en vue de lancer une réforme rapide de la législation discriminatoire sur le blasphème;
20. invite le Conseil à inclure la question de la tolérance religieuse dans la société dans son dialogue contre le terrorisme avec le Pakistan, cette question étant d'une importance cruciale dans la lutte à long terme contre l'extrémisme religieux;
21. invite les États membres et la Commission à poursuivre leur soutien financier aux organisations et défenseurs des droits de l'homme et à définir des mesures pratiques en vue de soutenir le mouvement grandissant de la société civile au Pakistan contre les lois sur le blasphème et d'autres législations discriminatoires;
22. rappelle la déclaration répétée de la Commission, en réponse aux questions écrites parlementaires, qu'elle suit de près la réaction du gouvernement pakistanais à la violence anti-chrétienne à Gojra et à Korian, et invite la Commission à demander des détails sur les progrès tangibles réalisés, en particulier en ce qui concerne le procès des coupables;
23. invite le Conseil et la Commission à insister pour que le gouvernement du Pakistan respecte la clause sur la démocratie et les droits de l'homme inscrite dans l'accord de coopération entre l'Union européenne et la République islamique du Pakistan; invite la Commission à présenter un rapport sur la mise en œuvre de l'accord de coopération et la clause sur la démocratie et les droits de l'homme;
24. invite le Conseil à soutenir le gouvernement du Pakistan dans le développement de son ministère des droits de l'homme et dans l'établissement d'une commission nationale des droits de l'homme significative, indépendante et fiable;
25. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, au Haut Représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux gouvernements et aux parlements des États membres, ainsi qu'au gouvernement et au parlement du Pakistan.