Le condamné à mort américain Hank Skinner, soutenu officiellement par la France, va peut-être enfin pouvoir faire pratiquer des tests ADN, grâce à la Cour suprême qui a accepté aujourd'hui de se pencher sur son dossier. La plus haute juridiction des Etats-Unis a annoncé qu'elle examinerait l'affaire à l'automne.
Agé de 47 ans, dont 15 passés dans le couloir de la mort, Hank Skinner a toujours clamé son innocence dans le triple meurtre le soir du Nouvel An 1993 de sa compagne, battue à mort, et des deux fils de celles-ci, poignardés. Un jury l'ayant déclaré coupable en 1995, l'Etat du Texas (sud), qui détient tous les records en matière d'exécutions aux Etats-Unis, refuse de le laisser, même à ses frais, faire pratiquer des tests génétiques qui, selon lui, prouveraient qu'il n'est pas l'auteur des coups.
"La décision de la Cour suprême constitue une première étape (...), nous sommes impatients de convaincre la Cour que si un responsable d'un Etat refuse à un prisonnier des tests ADN, ce prisonnier a le droit de contester cette décision en justice", a déclaré dans un communiqué son avocat, Rob Owen.
Hank Skinner est aujourd'hui marié à une Française militante anti peine de mort, Sandrine Ageorges-Skinner, avec qui il a commencé à correspondre en 1996. La France était intervenue officiellement en mars pour demander au gouverneur du Texas, Rick Perry, d'arrêter l'exécution par injection mortelle prévue le 24 mars et d'ouvrir un complément d'enquête. Mais c'est finalement la Cour suprême qui avait ordonné la suspension de l'exécution moins d'une heure avant que celle-ci ait lieu. M. Skinner avait déjà été transféré à la prison de Huntsville où se trouve la chambre d'exécution et attendait la mort dans sa dernière cellule. Selon les témoins, il a failli s'évanouir en apprenant son sursis.
Lors de son procès, l'accusation avait démontré la présence de l'accusé sur les lieux du drame, c'est-à-dire chez lui, un fait qu'il ne conteste pas. Mais il assure que seul un tiers a pu agir puisqu'il était évanoui lorsque les crimes ont été perpétrés. La présence d'un cocktail d'anxiolytiques, d'anti-douleurs et d'alcool dans son organisme avait été confirmée par une prise de sang.
Depuis dix ans, M. Skinner a reçu le soutien d'un professeur de journalisme à la Northwestern University qui a refait l'enquête avec ses élèves. "Pas d'aveux, pas de témoin visuel des meurtres, pas de mobile apparent, pas de tendances violentes chez M. Skinner", avait expliqué ce professeur, David Protess dans une lettre au Comité des grâces. En revanche, avait expliqué M. Protess, un oncle de la compagne d'Hank Skinner, au passé violent, avait harcelé sa nièce durant la fête de réveillon où elle s'était rendue seule, laissant son compagnon endormi. Cet oncle "n'a jamais été interrogé", avait-il rappelé.
Reste que la Cour suprême a jusqu'ici toujours estimé que rien n'obligeait les Etats à autoriser des tests ADN après procès. En 2009, dans une décision prise par cinq voix contre quatre, elle a statué que "les tests ADN ne suffisent pas toujours à résoudre seuls un crime. Là où il y a suffisamment d'autres preuves à charge (...), la science seule ne peut pas prouver qu'un prisonnier est innocent". Mais le condamné dont elle examinait la demande était en prison pour un viol et la plus haute juridiction des Etats-Unis a souvent répété que "la mort est une question différente".
Les Etats-Unis ont libéré 17 condamnés du couloir de la mort ces dernières années à la suite de tests ADN.