BAGDAD (AP) — Il fut le visage international du régime de Saddam Hussein. La haute cour pénale irakienne a condamné mardi l'ancien ministre des Affaires étrangères Tarek Aziz à la pendaison pour sa participation à la campagne de répression contre l'opposition politique et religieuse chiite sous le régime baasiste.
Cette condamnation intervient un peu plus de trois mois après le transfert de Tarek Aziz à la garde des autorités irakiennes par les forces américaines.
Le porte-parole de la Haute Cour irakienne Mohammed Abdul Sahib n'a pas précisé la date de l'exécution de Tarek Aziz, 74 ans, mais il dispose de trente jours pour faire appel.
L'ancien chef de la diplomatie, seul chrétien au sein du premier cercle des fidèles de Saddam composé entièrement de sunnites, a été condamné pour avoir participé à la répression contre les membres du parti chiite Dawa, dont le Premier ministre actuel Nouri al-Maliki est membre.
Il a été condamné à 15 années de prison pour avoir participé à des déplacements forcés, à dix ans pour tortures. La peine de mort par pendaison a été déclarée par le juge Mahmoud Saleh al-Hassan pour participation à des exécutions, mais n'a pas fourni de précisions.
Le Vatican a appelé mardi soir l'Irak à ne pas appliquer la condamnation à mort. Le porte-parole Fédérico Lombardi a indiqué que le Saint-Siège utiliserait tous les canaux diplomatiques pour empêcher l'exécution.
Tarek Aziz était l'un des cinq membres de l'ancien régime condamnés mardi pour des crimes similaires. Le sixième prévenu, le demi-frère de Saddam, Watban Ibrahim al-Hassan, ex-ministre de l'Intérieur, a été acquitté faute de preuves.
Tarek Aziz avait déjà été condamné à deux reprises par la Haute cour: à 15 ans pour l'exécution en 1992 de 42 commerçants coupables de bénéfices excessifs sous l'embargo, puis à sept années de prison pour le déplacement forcé de Kurdes dans le nord de l'Irak.
Dans une interview récente à l'AP, Tarek Aziz avait prédit qu'il allait mourir en prison, évoquant son âge et la durée des peines déjà prononcées contre lui.
Vêtu d'un costume bleu, seul dans le box, il a mardi baissé la tête à plusieurs reprises à l'énoncé du verdict, s'agrippant fréquemment à la barre située devant lui.
Son avocat basé en Jordanie, Badee Izzat Aref, a expliqué à l'AP qu'ils "discutaient de la question et de la prochaine décision à prendre", concernant l'opportunité de faire appel ou pas. "Cette décision est injuste et a des motivations politiques", a-t-il dénoncé: selon lui, le gouvernement a orchestré ce verdict pour détourner l'attention des récentes révélations par le site Wikileaks sur les tortures commises par les forces de sécurité irakiennes.
Tarek Aziz, chef de la diplomatie puis par la suite vice-Premier ministre du régime baasiste, devint le visage de la dictature irakienne à l'étranger après l'invasion du Koweït par l'Irak en 1990.
Ses entretiens avec le secrétaire d'Etat de l'époque James Baker à Genève en janvier 1991 ne purent empêcher la première guerre du Golfe, en 1991. Il avait également rencontré le pape Jean Paul II au Vatican quelques semaines avant l'invasion américaine de mars 2003, cherchant à éviter un second conflit avec les Etats-Unis.
Nombre de membres de premier plan du régime de Saddam Hussein ont été exécutés depuis la chute du régime, notamment Ali al-Majid, dit "Ali le Chimique", ainsi surnommé pour le gazage de quelque 5.000 Kurdes dans la ville d'Halabja en 1988.
Saddam Hussein lui-même fut exécuté par pendaison en décembre 2006, une exécution publique, filmée en vidéo, et qui choqua un grand nombre de personnes, l'ex-raïs se faisant insulter et humilier à l'heure de sa mort.
Son fils Ziad a qualifié cette condamnation d'"illogique et injuste, qui sert les objectifs politiques du gouvernement irakien". Et de rappeler que son père avait été victime d'une tentative d'assassinat en 1980 de la part des membres du parti religieux chiite Dawa.
Tarek Aziz, qui s'était rendu aux Américains un mois après l'invasion de l'Irak, était détenu dans une prison américaine de Bagdad jusqu'en juillet dernier. Après son transfert sous juridiction irakienne, à la prison de Kazimiyah, sa famille s'était inquiétée pour sa santé, l'ancien ministre ayant subi plusieurs attaques depuis son arrestation.
A la demande des autorités irakiennes, les Américains assurent toujours la détention de huit membres du gouvernement Saddam, dont l'ancien ministre de la Défense Sultan Hashim al-Taie.