JACKSON (Etats-Unis) (AFP) - Troy Davis a été exécuté mais ses défenseurs, qui ont veillé devant le pénitencier de Jackson (Géorgie), espèrent qu'il n'est pas mort en vain: la peine de mort fait de plus en plus débat aux Etats-Unis où le nombre d'exécutions est sur une pente descendante.
"L'exécution de Troy Davis, son exceptionnelle injustice, va hâter la fin de la peine de mort aux Etats-Unis", prédit Benjamin Jealous, président de la puissante organisation de défense des personnes de couleur (NAACP), soulignant les "doutes" qui s'installent chez les Américains face à "tout un système qui peut exécuter un homme alors que tant de questions restent sans réponse".
Toute la journée de mercredi à Jackson, hommes d'église, responsables associatifs et simples citoyens se sont relayés pour crier leur sentiment d'injustice et leur détermination à faire tomber la peine capitale dans les 34 Etats américains où elle n'a pas été encore abolie, et surtout dans les 12 sur 50 où elle reste appliquée.
"La peine capitale est en déclin aux Etats-Unis, (les autorités qui l'ont abolie sont) encore une minorité, mais une minorité grandissante qui finira par devenir une majorité", déclare à l'AFP Richard Dieter, directeur du centre d'informations sur la peine de mort (DIPC).
En 2010, il y a eu 46 exécutions capitales aux Etats-Unis, soit moitié moins que dix ans plus tôt, selon le DIPC. Et alors qu'habituellement les médias américains couvrent très peu ces exécutions, celle de Troy Davis a été abondamment relayée et des journaux s'en sont indignés, le New York Times dénonçant par exemple "une erreur judiciaire tragique".
Le NAACP a promis que le 21 septembre resterait une journée du souvenir et du combat pour la justice qui ne sera "jamais parfaite tant que nous n'aurons pas mis fin à cette pratique brutale qu'est la peine capitale".
Troy Davis, un Noir de 42 ans exécuté pour le meurtre d'un policier blanc qu'il a assuré jusqu'au bout ne pas avoir commis, est "maintenant le symbole de tout ce qui est cassé, de tout ce qui va mal" avec la peine capitale aux Etats-Unis, estime Larry Cox, directeur d'Amnesty International USA.
Son organisation de défense des droits de l'homme lance "immédiatement une campagne pour attirer l'attention sur d'autres cas comme celui de Troy Davis et pour s'assurer que son nom devienne un exemple", dit-il.
"Nous nous engageons dans un long combat", poursuit Laura Moye, chargée de la peine capitale à Amnesty, car "l'Etat de Géorgie montre qu'un tel pouvoir ne peut pas reposer sur un seul Etat".
Alors que Troy Davis avait rendu son dernier souffle, elle a espéré que les Américains seraient "galvanisés" pour "rejoindre le reste du monde, qui, pays après pays, reconnaît qu'il s'agit d'une violation des droits de l'homme".
"Comment peut-on aller en Iran ou dans d'autres pays du Moyen-Orient pour leur dire comment ils doivent gouverner ou comment ils doivent être plus justes avec leurs citoyens quand on ne peut pas le faire soi-même ici aux Etats-Unis?" s'exclame le pasteur Vizion B. Jones.
Pour Rashad Robinson, directeur de l'association ColourofChange.org, l'exécution de Troy Davis rappelle cependant que, malgré une levée de boucliers dans le monde entier, "même sous l'ère de Barack Obama, les Noirs pauvres ne peuvent pas s'attendre à obtenir justice du système pénal".
Près de 50% des détenus dans le couloir de la mort de Géorgie sont noirs, pour à peine 15% de la population américaine, souligne l'un des avocats de Troy Davis, Thomas Ruffin.