WASHINGTON (AFP) - Avec un nouveau moratoire décrété dans l'Oregon (Nord-Ouest), avec la baisse des exécutions et des condamnations à mort, la peine capitale a subi une lente "érosion" depuis dix ans aux Etats-Unis, dans les faits comme dans les esprits.
"Etat après Etat, lentement, il y a une érosion du soutien à la peine de mort", déclare à l'AFP Richard Dieter, directeur du Centre d'information sur la peine de mort (DIPC).
Le gouverneur de l'Oregon a annoncé mardi un moratoire dans son Etat, jusqu'à la fin de son mandat, rejoignant de facto le camp des Etats ayant supprimé la peine de mort.
"Je refuse de faire partie plus longtemps de ce système compromis et inéquitable", a fustigé John Kitzhaber, qualifiant de "moralement faux" le châtiment suprême.
Il a dans le même temps suspendu la dernière exécution programmée de l'année et ainsi arrêté le compteur à 43 condamnés mis à mort en 2011 dans le pays. Ce chiffre, en légère baisse par rapport à 2010, a été plus que divisé par deux depuis les années 90, pendant que le nombre de condamnations à mort a chuté de près d'un tiers.
Douze Etats sur cinquante ont appliqué la sentence l'an dernier.
Au total, 16 Etats ont aboli la peine capitale ou ne l'ont pas réadoptée après son rétablissement en 1976. Ils pourraient, selon les pronostics de M. Dieter, être rejoints, peut-être dès l'an prochain, par l'Oregon mais aussi le Maryland, le Connecticut et la Californie.
"Cela prendra encore du temps", commente M. Dieter, "la peine de mort n'aura pas disparu en trois ans, mais en dix ans c'est une possibilité", poursuit-il, soulignant qu'il reviendrait à la Cour suprême des Etats-Unis de décider.
Dans l'opinion publique aussi, le soutien à la peine capitale a régressé, atteignant un plus bas depuis 39 ans.
Mais "le soutien du public reste remarquablement constant et solide", note Robert Blecker, professeur à la New York Law School, citant un récent sondage Gallup selon lequel 61% des Américains approuvent la peine de mort.
"Dans leur majorité, les Américains sont favorables à la peine capitale lorsqu'il y a une certitude absolue", insiste également David Schaefer, professeur au Holy Cross College, dans le Massachussetts (Nord-Est), favorable, lui, à ce châtiment.
Avec l'exécution de Troy Davis, en septembre, malgré des doutes sur sa culpabilité, "nous avons atteint un nouveau palier" dans la manière de considérer la peine de mort, estime de son côté Steven Hall, de l'organisation abolitionniste StandDown au Texas (Sud). "Idéalement, la peine de mort est réservée au pire du pire", dit-il à l'AFP mais "la question de l'innocence (éventuelle du condamné) est devenue une grande préoccupation".
De nouvelles voix s'élèvent parmi les décideurs, les procureurs, jusque dans les rangs des anciens gardiens ou responsables de prisons, pour protester contre telle ou telle exécution ou dénoncer la cruauté de l'injection létale.
Depuis 1973, 138 condamnés à mort ont été innocentés et libérés, dont 17 suite à des tests ADN, selon le DIPC.
"Si occasionnellement, très rarement, nous exécutons un innocent, comme la peine de mort est plus dissuasive que la perpétuité, sur la balance, on aura sauvé des vies innocentes", relativise pourtant M. Blecker, qui se dit favorable à la peine capitale pour "les monstres".
Mais une étude récente qui souligne qu'à 3 millions de dollars si l'on inclut toutes les procédures judiciaires qui y conduisent, une exécution coûte trois fois plus cher que la prison à vie sans possibilité de libération, apporte de l'eau au moulin des abolitionnistes.
Pour David Schaefer, "la roue de la justice tourne plus vite" dans certains cas --comme celui de Timothy McVeigh exécuté en 2001 pour le massacre d'Oklahoma City, après seulement six ans dans le couloir de la mort, contre 10 à 20 ans en général. Selon lui, il importe donc "d'éliminer les écueils procéduriers qui ne dépendent ni de la culpabilité ni de l'innocence" du condamné.