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Ethiopie : des experts dénoncent l'usage abusif de la législation anti-terroriste

communiqué de presse du 2 février 2012 - Organisation des Nations Unies
Pays :
peine de mort / Ethiopie
Thème :
2 février 2012 – Un groupe d'experts de l'ONU sur les droits de l'homme a condamné jeudi l'usage abusif en Ethiopie de la législation anti-terroriste qui est utilisée pour restreindre la liberté d'expression dans le pays.

Il y a une semaine, trois journalistes et deux responsables politiques ont été condamnés à de lourdes peines de prison allant de 14 ans à la perpétuité en vertu de cette législation.

Cela intervient après la condamnation à 11 ans d'emprisonnement de deux journalistes suédois le 27 décembre 2011. 24 autres prévenus devraient comparaître devant le tribunal le 5 mars prochain, pour des accusations d'infraction à la loi anti-terroriste. Plusieurs d'entre eux risquent la peine de mort s'ils sont condamnés.

« Les journalistes jouent un rôle crucial pour tenir responsables les fonctionnaires de l'Etat, grâce à leurs enquêtes et parce qu'ils informent le public sur les violations des droits de l'homme », a déclaré le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté d'expression, Frank La Rue.

« Ils (les journalistes) ne devraient ni faire l'objet d'accusations criminelles ni être punis pour avoir fait leur travail légitime. L'Ethiopie a l'obligation de garantir pleinement le droit de tous les individus à la liberté de conscience et d'expression en vertu du droit international des droits de l'homme », a-t-il ajouté.

Le Rapporteur spécial de l'ONU sur la lutte contre le terrorisme et les droits de l'homme, Ben Emmerson, a rappelé que « les dispositions anti-terroristes ne devraient pas être utilisées de manière abusive et elles doivent être clairement définies dans le code pénal éthiopien pour garantir qu'elles n'aillent pas à l'encontre des droits de l'homme garantis au niveau international ».

La Rapporteuse spéciale de l'ONU sur les défenseurs des droits de l'homme, Margaret Sekaggya, a de son côté souligné que « les journalistes, les blogueurs et tous ceux qui réclament le respect des droits humains ne devraient pas faire l'objet de pressions parce que leurs opinions diffèrent de celles du gouvernement ».

Mme Sekaggya a notamment fait part de son inquiétude concernant le cas d'Eskinder Nega, un blogueur et défenseur des droits humains qui risque la peine de mort s'il est condamné. M. Nega avait publiquement demandé des réformes pour permettre l'exercice du droit de rassemblement pacifique en public.

Le Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d'association, Maina Kiai, a quant à lui mis en garde les autorités contre la campagne actuelle de harcèlement contre les associations qui expriment des opinions dissidentes.

« Les gens devraient pouvoir se rassembler et s'associer librement et paisiblement. Ces droits sont complémentaires au plein exercice de leur liberté de conscience et d'expression. Le recours à la législation anti-terroriste est l'un des obstacles auquel font face les associations en Ethiopie aujourd'hui », a indiqué M. Kiai.

Les accusés n'ont pas droit non plus à un procès équitable, a déploré la Rapporteuse spéciale sur l'indépendance des juges et des avocats, Gabriela Knaul. Elle a dénoncé le fait que des hauts fonctionnaires ont fait des déclarations en public, notamment à la télévision, qui sapent la présomption d'innocence des accusés qui n'ont pas non plus eu accès à un avocat lors de la préparation des procès.

« Les accusés doivent être considérés comme innocents lors d'un procès pénal jusqu'à ce que leur culpabilité éventuelle soit prouvée, conformément à la constitution de l'Ethiopie. Il est primordial que les accusés aient accès à un avocat durant la phase préliminaire du procès pour garantir leur droit à préparer leur défense légale », a rappelé Mme Knaul.

Les experts ont appelé le gouvernement éthiopien à respecter les droits fondamentaux des individus concernés, et particulièrement leur droit à un procès équitable. Ils ont réitéré la nécessité de revoir la législation anti-terroriste pour garantir qu'elle soit conforme aux obligations en matière de droits de l'homme de l'Ethiopie.
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