Huit condamnés à mort ont été exécutés jeudi au Tchad, premières exécutions dans ce pays depuis 1991, en dépit d'appels d'organisations de défense de droits de l'Homme à y surseoir.
Six Tchadiens et un Soudanais ont été fusillés dans la matinée à N'Djamena, par un peloton d'exécution, sur le champ de tir de l'armée tchadienne, et achevés d'un coup de grâce. Quatre d'entre eux avaient été reconnus coupables, le 25 octobre, du meurtre d'un riche homme d'affaires soudanais, abattu par balle dans la capitale tchadienne le 25 septembre dernier. Les trois autres suppliciés avaient été condamnés à mort dans des affaires criminelles antérieures, pour meurtres crapuleux ou familiaux.
Un huitième condamné, pour les meurtres en 1998 de plusieurs membres de sa famille et d'un gendarme, a été passé par les armes au même moment à Abéché, à l'est du Tchad. A N'Djamena, l'exécution s'est déroulée en présence des ministres tchadien de la Justice et de l'Administration du territoire, du procureur général de N'Djamena, d'un médecin légiste et de la presse nationale.
"C'est le plus bel exemple que le Tchad ait donné", a déclaré le ministre de l'Administration du territoire (Intérieur) Routouang Yoma Golom. "Cela donnera une belle leçon à tous les malfrats, fussent-ils des étrangers", a ajouté le ministre, soulignant: "La décision a été prise par la justice et nous ne faisons que l'appliquer". La peine de mort est toujours en vigueur au Tchad, pays parmi les plus pauvres au monde. Mais elle n'y avait plus été appliquée depuis l'exécution, en 1991, de militaires condamnés par une cour martiale, selon le correspondant de l'AFP à N'Djamena.
Le gouvernement tchadien a promis récemment de sévir fermement contre la forte insécurité qui règne dans ce pays semi-sahélien, entré officiellement en octobre dans le cercle des producteurs africains de pétrole. La Ligue tchadienne des droits de l'Homme (LTDH) avait annoncé mercredi l'imminence des exécutions des assassins de l'homme d'affaires et parlementaire soudanais, Acheik Ibni Oumar Idriss Youssouf. Le président Deby avait rejeté lundi le recours en grâce déposé par leurs avocats.
La victime, originaire de la région soudanaise du Darfour, frontalière avec le Tchad, présidait le conseil d'administration de la société Chad Petroleum company. Le commanditaire, selon la justice tchadienne, était un autre Soudanais, également originaire du Darfour, Adouma Ali Ahmat, exécuté jeudi.
Le vice-président de la LTDH, l'avocat tchadien Jean-Bernard Padaré, avait dénoncé mercredi ces exécutions annoncées, en soulignant que les quatre condamnés avaient formé un pourvoi en cassation qui n'avait pas encore été examiné par la Cour suprême. "Nous ne comprenons pas qu'on envisage de les exécuter alors que toutes les voies de recours n'ont pas été épuisées", avait-il déclaré. Le président de la Cour d'appel de N'Djamena, Paul Wadana, a justifié l'exécution de la sentence par le fait que les avocats des condamnés avaient introduit un recours en grâce présidentielle en même temps que leur pourvoi en cassation. "Il faut d'abord introduire le pourvoi en casssation et, tant que la cour suprême ne s'est pas prononcée sur le pourvoi, il ne peut pas y avoir d'exécution. C'est après que doit être introduit la demande de grâce", a-t-il expliqué.
La Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH) avait "exhorté" jeudi matin le gouvernement tchadien "à ne pas procéder à l'exécution des condamnés à mort", dont elle dénonçait, dans un communiqué, "le caractère particulièrement expéditif du procès". La FIDH demandait aux autorités tchadiennes d'"adopter un moratoire sur les exécutions, avec pour objectif final, l'abolition de la peine capitale".