Un tribunal militaire a requis mercredi la peine capitale contre l'ancien président tunisien Zine El Abidine Ben Ali jugé par contumace pour son rôle dans la répression de janvier 2011 à Thala et Kasserine, deux villes emblématiques de la révolution tunisienne.
Le procureur du tribunal militaire du Kef (nord-ouest) a requis la peine capitale pour l'ex-président, poursuivi pour «complicité d'homicides volontaires». Il a demandé «les sanctions les plus sévères possibles» pour ses 22 co-accusés, anciens hauts responsables du régime, poursuivis pour la mort d'au moins 22 personnes à Thala et Kasserine, deux villes du centre qui ont payé un lourd tribut au soulèvement populaire qui provoqua la fuite en Arabie saoudite de Ben Ali le 14 janvier 2011.
C'est la première fois que la peine capitale est requise contre l'ancien président tunisien, qui fait l'objet de dizaines d'actions en justice devant les justices militaire et civile.
Ben Ali a déjà cumulé au civil des condamnations à 66 ans de prison notamment pour détournements de fonds, trafic de drogue et abus de biens publics. Il fait l'objet avec son épouse Leïla Trabelsi d'un mandat d'arrêt international, mais l'Arabie saoudite n'a jamais jusqu'à présent répondu aux demandes d'extradition tunisiennes.
Les réquisitions du procureur ont été accueillies avec étonnement par plusieurs avocats, y compris de la partie civile.
«Ben Ali n'est pas l'acteur principal de ces homicides, il est poursuivi pour complicité et pourtant le procureur requiert contre lui une peine plus importante que contre ceux qui sont poursuivis pour homicides», a déclaré Abderraouf Ayadi, défenseur d'une des familles de victimes.
«Je pense que la justice essaye de trouver un compromis avec les familles des martyrs plutôt que de faire un procès équitable, il n'y a pas de volonté de connaître les véritables responsables», a-t-il déploré.
De son côté, Othman Oueslati, avocat d'un autre prévenu, l'ancien ministre de l'Intérieur Rafik Belhaj Kacem, a assuré que son client n'avait «jamais reçu des instructions de Ben Ali pour tuer». «Ce procès ne tient pas sur le fond et sur la forme», a-t-il dit, cité par l'agence TAP.
Parmi les inculpés figurent un autre ex-ministre de l'Intérieur Ahmed Friaâ, l'ancien directeur général de la sûreté Adel Tiouiri, l'ex-chef des brigades spéciales, Jalel Boudriga, ou encore l'ex-chef de la sécurité présidentielle, Ali Seriati.
Tout au long du procès du Kef, entamé fin novembre 2O11, aucun des prévenus n'a reconnu avoir donné l'ordre de tirer sur les manifestants de Thala et Kasserine. Chacun a renvoyé la responsabilité à une «cellule sécuritaire de suivi» ou à «la salle d'opération» du ministère de l'Intérieur, sans jamais mentionner de noms.
Mais l'ancien Premier ministre tunisien Mohamed Ghannouchi, qui dirigea le premier gouvernement post-Ben Ali, avait témoigné en janvier devant le tribunal du Kef et mis en cause le président déchu.
Il avait notamment assuré avoir appelé Ben Ali le 9 janvier pour lui demander d'arrêter les tirs à balles réelles contre la population à Kasserine. Ben Ali aurait alors justifié l'usage des armes comme une «légitime défense».
Les plaidoieries de la défense doivent se poursuivre encore plusieurs jours.