MANILA, 25 nov - Une vague d'enlèvements a relancé le débat sur un rétablissement de la peine de mort aux Philippines, une question délicate pour le chef de l'Etat, Gloria Arroyo, à quelques mois de l'élection présidentielle.
La plupart des victimes des plus de 150 enlèvements pour rançon depuis le début de l'année appartiennent à l'influente minorité d'origine chinoise qui contrôle un grand nombre de centres commerciaux, banques et usines.
Plusieurs centaines de ses membres ont défilé dimanche à Manille pour réclamer la mort pour les ravisseurs et assassins d'une jeune femme de 32 ans, Betti Sy. Ils accompagnaient au cimetière le cercueil de cette responsable de Coca Cola tuée la semaine dernière.
La Fédération des chambres de commerce sino-philippines a suivi en début de semaine, en se payant une demi-page d'un grand quotidien, pour exiger justice contre les auteurs d'enlèvements qui ont atteint cette année un niveau record en dix ans.
Le poids de la communauté chinoise est en soi important mais la pression sur la présidente Arroyo pour mettre fin aux kidnappings et autres violences émane aussi d'autres secteurs de la société.
Un des principaux rivaux de Mme Arroyo à la présidentielle de mai prochain est un ancien chef de la police qui se flatte d'avoir décimé les gangs de ravisseurs sous l'ancien président Joseph Estrada entre 1998 et 2001.
Devenu sénateur, Panfilo Lacson explique qu'"il ne s'agit pas seulement d'une préoccupation des hommes d'affaires sino-philippins mais aussi de la majorité des Philippins qui craignent que le gouvernement n'ait pas réussi à gérer la question de l'ordre et de la sécurité dans le pays".
Après l'exécution de sept condamnés à mort entre 1998 et 1999, le président Estrada avait déclaré un moratoire des exécutions, maintenu par Mme Arroyo. La mesure a l'appui de la puissante Eglise catholique dans un pays qui compte une majorité de catholiques.
Mme Arroyo a cependant paru hésiter sur la question, évoquant il y a quelques mois une levée du moratoire, mais déclarant cette semaine que la peine capitale n'était pas une panacée.
"Je suis décidée à prendre tous les moyens pour empêcher les crimes de haine et renforcer la justice pénale. Mais je dois souligner que la peine de mort n'est pas la solution à tous les crimes de haine. Il faut que tout le système pénal y compris la police, le ministère public, les tribunaux, le système correctionnel et la population coopèrent pour prévenir, dissuader et résoudre les crimes de haine", a-t-elle dit.
Elle a déclaré qu'elle poursuivrait ses consultations avec les dirigeants du Parlement et l'Eglise catholique.
Mardi, l'archevêque de Manille, Mgr Gaudencio Rosales, a invité le chef de l'Etat à tenir bon. "Certains à la conscience peu sensible peuvent imposer ce genre de peine. Mais qu'est ce que ça signifie ? Que la société a déjà perdu l'espoir de se réformer", a-t-il dit.
Un autre candidat à la présidence, Raul Roco, a lui aussi exploité le thème auprès de l'opinion.
"Il y a des kidnappings, il y a de l'insécurité, il n'y a plus de respect ni d'obéissance au gouvernement. Quelqu'un doit rétablir l'autorité et c'est le président", a-t-il dit.