WASHINGTON - Reggie Clemons, un Noir de 40 ans qui a passé 19 ans dans le couloir de la mort pour le meurtre de deux jeunes filles blanches qu'il nie avoir commis, a comparu lundi devant un tribunal du Missouri où il espère obtenir un nouveau procès, a-t-on appris de source judiciaire.
Lors de cette ultime audience, le condamné à mort, dont tous les appels sont épuisés, vêtu d'un costume et d'une cravate fournis par ses avocats, est apparu très calme et silencieux, a rapporté à l'AFP Laura Moye, directrice d'Amnesty International-USA.
Ses avocats ont déclaré que sa condamnation à mort devait être retirée et qu'il méritait un nouveau procès, a ajouté cette responsable en charge de l'abolition de la peine capitale.
A l'issue de trois à cinq jours d'audience, le juge Michael Manners ne prendra pas de décision, il rendra un rapport à la Cour suprême du Missouri, en quelque sorte un récapitulatif des éléments de cette semaine et la plus haute juridiction de l'Etat décidera du sort de Reggie Clemons mais il ne faut pas s'y attendre avant plusieurs mois, a déclaré à l'AFP un porte-parole du tribunal Matt Murphy.
Le condamné pourra alors voir sa peine commuée en réclusion à perpétuité ou obtenir un nouveau procès, à la lumière des éléments apportés pendant l'audience.
Reggie Clemons a été reconnu coupable en 1993 du meurtre de deux soeurs de 19 et 20 ans noyées dans le Mississippi deux ans plus tôt. Il se trouvait alors avec trois camarades, dont deux Noirs, sur le pont désaffecté Chain of Rocks qui enjambe le fleuve, rendez-vous nocturne des jeunes de Saint-Louis.
Au même endroit, Thomas Cummins se promenait avec ses deux cousines blanches comme lui. Quand les deux soeurs, Julie et Robin Kerry, ont disparu dans les eaux, Cummins a dans un premier temps reconnu être responsable de leur mort, avant d'accuser Reggie Clemons et ses amis, selon des documents de justice.
Une ancienne avocate de Reggie Clemons a témoigné à l'audience, soulignant qu'elle n'avait pas été informée de l'existence de prélèvements d'ADN sur l'un des corps retrouvés dans le Mississippi ni sur un préservatif découvert sur le pont. Les résultats de ces analyses montrent qu'il n'est pas possible de relier l'accusé à l'affaire, a déclaré à l'AFP John Chasnoff, pour l'Union américaine de défense des libertés civiles (Aclu), à la lumière de l'audience de lundi.
Le condamné avait reconnu avoir violé les victimes lors d'un interrogatoire émaillé selon lui de brutalités policières, et avait très vite renié ces aveux.
Il est en outre apparu à l'audience que le rapport de police initial, dressé après l'interrogatoire de Thomas Cummins, dans lequel il avait admis avoir ressenti un désir sexuel pour ses cousines, a été modifié puis caché à la défense et au jury au procès, a également rapporté M. Chasnoff, directeur de programme de l'Aclu pour le Missouri de l'est.
Cela pose de graves questions sur la légitimité du procès, a-t-il commenté.
Laura Moye a souligné l'importance que soient exposées la nature agressive de l'accusation, en particulier du procureur que la défense a accusé d'avoir modifié le rapport de police, et la réalité des accusations de brutalités policières.
Les organisations de défense des droits de l'homme voient dans cette affaire de nombreuses similarités avec celle de Troy Davis, ce Noir exécuté il y a près d'un an en Géorgie, pour le meurtre d'un policier blanc, en dépit de nombreux doutes sur sa culpabilité.