Lahore (Agence Fides) – Asia Bibi n'est pas en sûreté entre les murs de la prison de Sheikhupura, où elle est détenue depuis un an et demi et se trouve en danger de mort : c'est le cri d'alarme lancé à l'Agence Fides par la famille de la jeune femme et par la "Fondation Masih" qui s'occupe de son assistance légale. Asia Bibi est la première femme pakistanaise condamnée à mort pour blasphème.
Après la prime de 500.000 roupies que le mullah Yousaf Qureshi de Peshawar a ouvertement promise pour la mort d'Asia Bibi, sa vie se trouve en extrême danger, même si elle devrait être actuellement protégée dans la cellule où elle purge sa peine. "C'est pourquoi il est nécessaire de continuer la campagne en vue de sa libération immédiate et de l'abolition de la loi sur le blasphème. Il s'agit d'une question essentielle en ce qui concerne le respect des droits de l'homme au Pakistan" déclare à Fides Haroon Barket Masih, Président de la "Fondation Masih", rappelant la Journée de l'ONU pour les Droits de l'Homme.
La plainte de la Fondation est pleinement partagée par Ansar Burney, intellectuel musulman pakistanais connu et ancien Ministre fédéral du Pakistan chargé des Droits de l'Homme. Burney a envoyé une lettre au Président Ali Zardari et au Premier Ministre Gilani demandant de renforcer les mesures de protection autour d'Asia Bibi et de poursuivre officiellement tous ceux qui ont invité les militants à la tuer. Ainsi qu'il l'affirme dans sa missive, dont une copie est parvenue à l'Agence Fides, Burney craint fort qu'Asia Bibi (voire également d'autres membres de sa famille) puisse être tuée durant la détention ou au cours du procès d'appel. Burney demande avec force au gouvernement d'arrêter "les éléments qui ont annoncé ouvertement leur intention de la tuer", commettant ainsi un délit et remarque que "à cause de l'illégalité diffuse et de la faiblesse du gouvernement, les extrémistes trouvent très facile de procéder à des exécutions sommaires et à des mises à mort extrajudiciaires au nom de l'islam". A ce propos, Burney rappelle qu'à ce jour, 33 personnes accusées de blasphème ont d'ores et déjà été tuées en prison ou au cours de leur procès comme dans le cas des deux frères Rashid et Sajid Emmanuel, abattus devant le Tribunal de Faisalabad en juillet 2010 .
La "Commission des Droits de l'Homme du Pakistan", prestigieuse ONG locale, dans un communiqué envoyé à Fides à l'occasion de la Journée pour les Droits de l'Homme, note que "l'augmentation du militantisme et de l'intolérance religieuse constitue une menace pour les droits de l'homme dans le pays". La condamnation à mort d'Asia Bibi pour blasphème, remarque la Commission, est la preuve "des menaces subies par les citoyens sur la base de lois erronées et de l'application sélective de ces lois". En outre, s'agissant de la récompense placée sur sa tête, "une action légale fait défaut malgré l'incitation à l'homicide".
Entre temps, un chrétien pakistanais, Yunis Kushi, appuyé par des associations de la société civile chrétiennes et musulmanes, a présenté une instance devant la Cour Suprême du Pakistan (le troisième degré de jugement) demandant une action "motu proprio" de la Cour (c'est-à-dire de son propre chef) contre la condamnation à mort concernant Asia Bibi et contre les responsables de l'incitation à la haine religieuse et à l'assassinat. L'appel cite les passages de la Constitution pakistanaise dans lesquels sont réaffirmés les principes de liberté, d'égalité, de tolérance et de justice sociale pour tous les citoyens et pour les minorités religieuses. Il cite également l'Acte anti-terrorisme de 1997 dans lequel l'Etat s'engage à arrêter "quiconque incite à la haine religieuse et cause la violence".