Berne, 27.09.2012 - New York, 27 septembre 2012 - 67e Session de l'Assemblée générale des Nations Unies - Seul le texte prononcé fait foi
MM. les Ministres des Affaires Etrangères de la République française
et du Bénin,
Mme la Haut Commissaire,
Mesdames, Messieurs,
Merci beaucoup à la France et au Bénin de soulever durant cette semaine ce thème essentiel de la peine de mort. C'est une question essentielle car elle plonge aux racines-mêmes du combat des droits imprescriptibles de la personne humaine, au fond aux racines de notre humanité. Nier le droit à la vie, c'est nier une part de notre propre humanité. Ce combat est celui de valeurs universelles et intemporelles.
Le respect des droits de l'homme et donc du droit suprême - le droit à la vie - ainsi que le respect de la dignité humaine sont des valeurs qui figurent au cœur de la Constitution suisse; des valeurs que la Confédération promeut dans sa politique étrangère.
Nous avons décidé que le combat pour l'abolition de la peine de mort serait la première priorité de notre politique des droits de l'homme.
Toute cause juste est comme le ressac permanent des vagues contre les rochers: malgré les résistances, elle gagne tous les jours du terrain. Le mouvement contre la peine de mort a incontestablement gagné du terrain ces dernières années. Il y a toujours plus d'Etats qui refusent l'idée-même que la justice puisse tuer. Il y a dix ans, soixante-dix-neuf pays pratiquaient la peine de mort, aujourd'hui ils sont cinquante-huit.
Ce chiffre est encourageant mais nous ne devons pas nous en contenter. Nous devons redoubler d'efforts, aux plans bi- et multilatéral et aux côtés des ONG, jusqu'à ce que condamnation ne rime plus avec exécution.
En 2010, la Suisse a accueilli le 4e congrès mondial contre la peine de mort, organisé par l'association Ensemble contre la peine de mort. Ce congrès de Genève a reçu des messages encourageants de plusieurs États, parmi lesquels la Mongolie, le Liban ou le Bénin.
Un résultat concret du congrès était la création de la Commission Internationale contre la Peine de Mort. Depuis ses débuts en 2010, la Commission a déjà obtenu des résultats concrets, en complément aux actions des organisations internationales et régionales et des ONG. La Suisse continuera à appuyer la Commission et son secrétariat basé à Genève.
Mesdames, Messieurs,
Cette cause juste avance. Mais ce n'est pas suffisant.
La simple et terrible idée qu'il puisse se trouver des innocents – qu'il se trouve assurément des innocents – dans des couloirs de la mort aujourd'hui doit nous inciter à l'action. L'exécution d'un seul innocent suffit à faire sombrer une des idées les plus sublimes qui soient, l'idée de Justice.
L'Assemblée générale se prononcera bientôt sur une quatrième résolution appelant à l'instauration d'un moratoire mondial «en vue de l'abolition de la peine de mort». Ce titre est formulé à propos car le moratoire est un progrès notable, que nous saluons, mais nous devons trouver le moyen de le faire évoluer, dans un nombre toujours plus important de pays, vers l'abolition. Il faut soutenir les Etats qui travaillent en ce sens, comprendre leurs difficultés et trouver le moyen de les appuyer.
Pour cela le travail d'information et de débat est essentiel: le fait, notamment, d'expliquer que la peine de mort, outre qu'elle tue des innocents n'apporte pas un surplus de sécurité. Comme toujours l'information, le débat public et la diffusion du savoir sont des instruments très puissants.
La Suisse soutient le projet de résolution et elle s'engagera pour que l'Assemblée des Nations réaffirme, plus clairement encore que par le passé, sa volonté d'aboutir à une abolition universelle.
Cette résolution est une étape sur le chemin, non une fin en soi. Nous voulons que cette étape soit franchie en 2012 par un nombre record de pays. Cette étape est importante, car elle permet de maintenir la question de la peine capitale au centre de l'attention.
La 5e édition du Congrès mondial contre la peine de mort, en 2013 à Madrid, sera un autre rendez-vous majeur, tout comme le Congrès régional de Rabat en octobre prochain. La Suisse a décidé de co-parrainer ces deux manifestations, qui doivent être des lieux de progrès.
Nous souhaitons notamment que le Congrès du Maroc contribue à appuyer la réflexion et les efforts des Etats et des acteurs du monde arabo-musulman, de l'espace méditerranéen et du continent africain.
Nous encourageons les pays qui ont instauré un moratoire dans ces régions – à l'image du Bénin – à s'engager encore plus fermement à l'avenir en faveur de l'abolition. C'est essentiel pour que l'abolition progresse dans toutes les régions du monde et soit donc véritablement un combat pour l'humanité qui concerne toute l'humanité.
Mesdames, Messieurs,
Tuer ne peut pas être rendre justice. Nous sommes convaincus que nous devons travailler en parallèle sur les deux pistes: la promotion de moratoires et l'évolution de ceux existants vers l'abolition. Cela exigera encore du courage, de la volonté et de la persévérance. Nous vous remercions de partager ce combat, nécessaire tout simplement parce qu'il est juste de penser que la condition humaine va de pair avec une dignité inaliénable.