PARIS (AFP) - Le sort judiciaire de Saddam Hussein divisait lundi la communauté internationale, de nombreuses voix se prononçant pour un procès du dictateur déchu en Irak alors que d'autres souhaitaient son jugement par un tribunal international.
Les avis étaient également partagés sur le point de savoir si Saddam Hussein devait ou non être passible de la peine de mort.
Le président en exercice du Conseil de gouvernement transitoire irakien, Abdel Aziz Hakim, en visite à Paris, a annoncé que Saddam Hussein serait jugé par le Tribunal pénal que le Conseil vient d'instaurer, et qu'il risquerait la peine de mort.
"C'est le Tribunal pénal qui a été créé par le Conseil intérimaire de gouvernement la semaine dernière qui va juger Saddam Hussein", a déclaré M. Hakim. Il pourra y avoir "des conseillers, des personnalités internationales" lors du procès, a-t-il ajouté.
A la question de savoir si l'ancien président risquerait la peine de mort, M. Hakim a répondu: "Oui, tout à fait".
Le Premier ministre britannique Tony Blair a répété lundi que la Grande-Bretagne était par principe opposée à la peine de mort, mais qu'il appartenait aux Irakiens de décider. "C'est quelque chose qui en dernier lieu devra être décidé par le gouvernement irakien et le peuple irakien", a-t-il déclaré.
Le Premier ministre de Nouvelle-Zélande, Helen Clark, s'est clairement prononcée contre l'application de la peine de mort à Saddam Hussein.
Lors d'une conférence de presse, le président américain George W. Bush a déclaré que le procès de Saddam Hussein devrait répondre aux normes judiciaires internationales, sans dire devant quelle instance il devrait avoir lieu.
Les Etats-Unis "travailleront avec les Irakiens pour trouver un moyen de le juger", et la procédure sera soumise à un "contrôle international", a dit M. Bush.
Il a refusé de se prononcer sur la question de la peine de mort. "J'ai mes opinions personnelles sur la façon dont (Saddam Hussein) doit être traité, mais je ne suis pas un citoyen irakien. Ce sont les Irakiens qui vont devoir décider", a déclaré M. Bush, connu comme un partisan indéfectible de la peine de mort.
Pour sa part, la Russie s'est prononcé pour que le peuple irakien puisse décider du sort de Saddam Hussein. "Juger le régime déchu, juger ses leaders, c'est une affaire intérieure du peuple irakien. Seul le peuple irakien peut décider du sort de ses ex-dirigeants", a déclaré le vice-ministre russe des Affaires étrangères Iouri Fedotov.
Allant dans le même sens, le président polonais Aleksander Kwasniewski s'est prononcé "clairement pour que l'on juge Saddam en Irak".
D'autres voix, comme Shirin Ebadi, prix Nobel de la Paix 2003, ainsi que le prix Nobel de la Paix Desmond Tutu, l'ancien archevêque anglican du Cap, ont affirmé la nécessité d'un procès de l'ancien dictateur devant une juridiction internationale.
"Même s'il est accusé de crimes contre l'Humanité, il doit bénéficier d'un procès équitable devant une juridiction internationalement compétente", a dit l'avocate iranienne à Paris.
Sans trancher entre les deux options, l'Union européenne a appelé à ce que Saddam Hussein soit "jugé dans un procès équitable".
De même, le chef de la diplomatie espagnole, Ana Palacio, a souhaité que l'ancien dictateur soit jugé selon "les principes des droits de l'Homme et des droits de la défense", par un tribunal international ou par le Tribunal pénal irakien, mais "évidemment pas par les Etats-Unis".
Le Conseil de gouvernement transitoire avait annoncé le 10 décembre le création d'un Tribunal pénal chargé de juger les crimes contre l'humanité du régime de Saddam Hussein.
Cette instance "rendra ses jugements sur la base de la loi irakienne, mais aussi du droit international. Les juges seront irakiens et le tribunal pourra faire appel à des experts étrangers", selon un membre du Conseil, Mouaffak Roubaï.
Des experts internationaux ont déclaré douter de la légitimité du Tribunal pénal irakien, de son impartialité et même de sa capacité à fonctionner dans le climat d'insécurité générale qui prévaut en Irak.
Selon le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Saddam Hussein bénéficie en tant que prisonnier de guerre des Conventions de Genève, mais ce statut "n'empêche pas d'être inculpé et jugé pour crimes de guerre ou d'autres délits".
En Jordanie, le président de l'ordre des avocats, Hussein Mjalli, a appelé à la création d'un groupe d'avocats arabes pour défendre Saddam Hussein, qu'il a qualifié de "président légal" de l'Irak.