DAKAR — Sous pressions internationales, le président gambien Yahya Jammeh a annoncé la suspension, jusqu'à une date indéterminée, des exécutions de condamnés à mort en Gambie, lui qui avait initialement prévu de les faire tous fusiller avant la mi-septembre.
Au pouvoir depuis 18 ans, Yahya Jammeh avait déclaré le 19 août que tous les prisonniers dans le couloir de la mort seraient exécutés à la mi-septembre.
Une semaine plus tard, huit hommes et une femme, dont deux Sénégalais, étaient extraits de la prison Mile 2 près de Banjul et abattus.
L'annonce de ces exécutions avait soulevé une vague de protestations internationales, sachant que des dizaines d'autres détenus, gambiens ou étrangers, restaient sous la menace d'une exécution imminente, parmi lesquels des malades mentaux et des prisonniers politiques, selon diverses organisations indépendantes.
"Le président Yahya Jammeh a décidé d'adopter un moratoire sur les exécutions suite à de nombreux appels en ce sens du conseil des anciens, des groupes de femmes aussi bien que des groupes de jeunes à travers le pays", a annoncé vendredi soir la présidence dans un communiqué en anglais lu à la télévision d'Etat.
Cette déclaration fait aussi référence aux "appels" de dirigeants étrangers à suspendre les exécutions: ceux de "l'ancien Premier ministre sénégalais Souleymene Ndene Ndiaye aussi bien que du président de la République islamique de Mauritanie (Mohamed Ould Abdel Aziz, ndlr) et de la République de Côte d'Ivoire (Alassane Ouattara, ndlr) qui avaient envoyé leurs ministres des Affaires étrangères comme représentants spéciaux auprès du président Jammeh".
Après l'annonce des exécutions en août, son régime avait été vivement critiqué à travers le monde. Son voisin sénégalais avait protesté contre la mise à mort de deux de ses ressortissants à son insu, et annoncé qu'il allait saisir des institutions africaines et internationales pour exiger des sanctions contre Banjul.
Le régime a cependant averti que cette suspension était conditionnelle: "Il s'agit seulement d'un moratoire sur des exécutions. Si le taux de crimes violents baisse, le moratoire sera indéfini. S'il augmente, le moratoire sera automatiquement levé".
Dans ce message adressé "au grand public en Gambie et à l'étranger", la présidence a alors assuré qu'"aucun discours critique ni aucune pression" ne faisaient reculer Yahya Jammeh, qui entend bien "assurer la paix et la tranquillité pour laquelle la Gambie est renommée"...
Une façon indirecte de rappeler l'importance du tourisme pour son petit pays d'1,7 million d'habitants, bordé par le Sénégal et l'Océan Atlantique.
"Ce sont les pressions des organisations non gouvernementales, la fermeté internationale, qui l'ont obligé à reculer", a estimé samedi le président de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme (Raddho), Alioune Tine, à Dakar. "Mais le problème de fond reste le climat de terreur qui continue de régner en Gambie, avec des arrestations, des exécutions sommaires", a dit à l'AFP M. Tine, demandant "que la communauté internationale continue à faire pression".
Amnesty International avait relevé au cours des deux dernières années une augmentation des condamnations à mort de détenus en Gambie: "Certains ont été condamnés après avoir été jugés pour des accusations à caractère politique et avoir subi des actes de torture et autres mauvais traitements visant à leur extorquer des +aveux+".
Ancien lieutenant de l'armée ayant pris le pouvoir à la faveur d'un putsch, Yahya Jammeh, 47 ans, a été officiellement élu en 1996 puis réélu trois fois. Il avait fait adopter en 2002 un amendement constitutionnel rendant les mandats présidentiels illimités.