Washington - Le 500e condamné exécuté au Texas était Noir: le cas de Kimberley McCarthy, une femme afro-américaine mise à mort mercredi soir à Huntsville, illustre la sur-représentation aux Etats-Unis des minorités raciales dans le couloir de la mort.
"Les Noirs ont tendance à être davantage condamnés à mort et donc exécutés", explique à l'AFP Richard Dieter, directeur du Centre d'information sur la peine capitale (DPIC), qui recense les exécutions et en tire des statistiques depuis le rétablissement de la peine de mort aux Etats-Unis en 1976.
Les Noirs constituent 35% des prisonniers exécutés sur ces trois décennies et 42% des condamnés à mort, alors qu'ils ne constituent que 12% de la population américaine. Si l'on ajoute les Hispaniques, plus de la moitié des détenus du couloir de la mort sont issus des minorités, qui représentent pourtant moins d'un tiers de la population des Etats-Unis, selon le DPIC.
Une étude a par ailleurs montré que "les caractéristiques physiques des Afro-américains, comme le nez épaté ou la peau sombre, rendent les jurys plus durs", affirme aussi Robert Blecker, professeur à l'Ecole de droit de New York et favorable à la peine capitale.
En cas de condamnation pour un crime interracial, 13 Noirs sont exécutés pour un Blanc, selon le DPIC.
En raison du passé américain d'esclavage et de lynchage, "race et justice sont tellement entremêlées qu'on ne peut pas dissocier la couleur de peau de la peine de mort", estime Gloria Rubac, militante du mouvement texan pour l'abolition de la peine capitale.
La 500e exécution du Texas était celle d'une Noire. Kimberley McCarthy avait été condamnée à mort pour le meurtre d'une vieille dame blanche qu'elle avait cambriolée.
Son avocate Maurie Levin a dénoncé jusqu'au bout les "erreurs honteuses" et les préjugés raciaux du jury, composé de 11 Blancs et un Noir, et qui a opté pour le châtiment suprême plutôt que la prison à vie.
Sa cliente, une ancienne toxicomane âgée de 52 ans, avait bénéficié de deux sursis de dernière minute, fin janvier et début avril dernier, en raison de ces soupçons de discrimination raciale.
Et à la veille de son exécution, M. Dieter pariait sur un nouveau sursis en raison du vote imminent au Texas de la loi "race et justice", un projet soutenu par le seul procureur noir de cet Etat, qui vise à corriger ces dérives raciales.
Les partisans de ce texte avancent le cas emblématique de Duane Buck, un Noir qui a été condamné à mort en 1997 après qu'un expert eut certifié au jury que les Noirs présentaient un plus grand danger de récidive. Le procureur avait cité cette expertise dans ses conclusions pour requérir le châtiment suprême.
"Ce n'est pas une question d'innocence ou de culpabilité", dit à l'AFP son avocate Kate Black, qui n'a jamais nié que son client avait abattu son ex-petite amie et un ami de celle-ci. "C'est une question de justice", renchérit Kathryn Kase, directrice du Texas Defender Service: "la justice n'a pas été rendue à cause de ce témoignage raciste".
Le révérend Bill Lawson, leader des droits civiques, qui mène bataille dans ce dossier, pose la question de l'indépendance des avocats recrutés par les juges qui, eux-mêmes élus, pourraient être tentés de prendre des jugements populaires.
"Duane Buck aurait pu avoir la prison à vie, on n'en sait rien, mais on sait qu'il a subi un préjudice", a renchéri Howard Jefferson, président de la NAACP-Houston, la plus grosse organisation de défense des gens de couleur.
En septembre 2011, la Cour suprême des Etats-Unis lui avait accordé un sursis de dernière minute considérant que le procès avait été entaché de considérations raciales. Mais depuis, malgré une levée de boucliers sans précédent parmi élus, hommes d'église, juges et procureurs, qui réclament une nouvelle audience juste, Duane Buck, 15 ans après sa condamnation, est toujours dans le couloir de la mort texan.