(Agence France-Presse) AMMAN, Jordanie
Le prédicateur radical Abou Qatada, expulsé dimanche du Royaume-Uni après des années de procédures judiciaires, a été inculpé pour terrorisme peu après son arrivée en Jordanie, où il a plaidé non coupable.
Parti de Londres dans la nuit, sous escorte britannique et jordanienne, celui qui était jadis considéré comme «l'ambassadeur de ben Laden en Europe» est arrivé à l'aéroport de Marqa, à l'est d'Amman, peu avant 10h (3h à Montréal).
Le prédicateur, devenu le cauchemar des autorités britanniques qui cherchaient à l'expulser depuis plus de 10 ans, a ensuite été présenté devant le procureur de la Cour de sûreté de l'État - un tribunal militaire situé juste à côté de l'aéroport -, a indiqué une source judiciaire à l'AFP.
La Cour lui a signifié son inculpation pour «complot en vue de commettre des actes terroristes» et l'islamiste de 53 ans a été placé en détention préventive pour 15 jours, a ajouté cette source.
«Abou Qatada a plaidé non coupable», a déclaré son avocat, Tayssir Diab, précisant qu'il allait déposer dès lundi un recours pour obtenir la libération sous caution de son client.
Le père d'Abou Qatada et ses trois frères ont pu l'étreindre dans le tribunal, a indiqué un des frères, soulignant qu'il avait trouvé le prédicateur «calme» lors de l'audience.
Abou Qatada avait été condamné à mort par contumace en 1999 pour «préparation d'attentats» visant en particulier l'école américaine à Amman. La peine avait été immédiatement commuée en prison à vie assortie de travaux forcés.
En 2000, il avait aussi été condamné en son absence à 15 ans de prison pour complot en vue de commettre des attaques terroristes contre des touristes en Jordanie.
Le ministre de l'Information, Mohamed Momani, cité par l'agence officielle Petra, a promis dimanche matin que son nouveau procès se déroulerait dans «l'équité, la crédibilité et la transparence».
Mais malgré cet engagement, la presse n'a pas été autorisée à pénétrer dans la salle d'audience pour entendre l'énoncé des chefs d'inculpation.
L'appareil de la RAF transportant Abou Qatada avait décollé à 2h46 locales (21h46 à Montréal) de la base de Northolt à l'ouest de Londres, selon un photographe de l'AFP. Des images télévisées ont montré le prédicateur vêtu d'une djellaba blanche lors de son embarquement.
Son départ est un soulagement pour les autorités britanniques, qui ont dépensé 1,7 million de livres (2,6 millions de dollars) pendant les 10 ans de saga judiciaire et diplomatique ayant abouti à cette expulsion.
«Je suis absolument ravi. C'est quelque chose que le gouvernement s'était engagé à faire, et nous l'avons fait», a déclaré le premier ministre britannique David Cameron devant des chaînes de télévision.
«Comme le reste des Britanniques, cela m'a mis hors de moi, de voir que cela a pris si longtemps et que cela a été si difficile d'expulser cet homme (...) qui est une menace pour notre pays», a-t-il ajouté.
Dix années durant, le gouvernement britannique a en effet buté sur des décisions judiciaires nationales et européennes, estimant notamment que des preuves obtenues sous la torture pourraient être utilisées lors d'un nouveau procès d'Abou Qatada en Jordanie.
Son extradition a finalement été permise par la ratification par Londres et Amman d'un traité qui, sans mentionner le cas du prédicateur, contient les garanties nécessaires pour bannir l'utilisation de telles preuves, selon la ministre britannique de l'Intérieur Theresa May.
Son épouse et ses cinq enfants devraient de leur côté rester au Royaume-Uni.
De son vrai nom Omar Mahmoud Mohammed Othman, Abou Qatada, né en 1960 à Bethléem, alors sous l'autorité de la Jordanie, était arrivé en 1993 pour demander l'asile au Royaume-Uni. Depuis 2002, il a enchaîné les séjours en prison en vertu de la législation antiterroriste.
Il s'est illustré en Grande-Bretagne par de virulents prêches anti-occidentaux, anti-américains et anti-juifs.
Le juge espagnol Baltasar Garzon l'a décrit comme l'«ambassadeur européen de ben Laden» ou encore le «chef spirituel d'Al-Qaïda» en Europe.
L'islamiste a longtemps combattu son expulsion vers la Jordanie, devant la justice à la fois britannique et européenne, avant de faire savoir en mai qu'il acceptait de retourner en Jordanie une fois ratifié le traité lui garantissant un procès équitable.