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Le président Eltsine gracie les derniers condamnés à mort russes

dépêche de presse du 3 juin 1999 - Agence mondiale d'information - AFP
Pays :
peine de mort / Russie
MOSCOU - Le président Eltsine a annoncé jeudi la grâce des derniers condamnés à mort en Russie, supprimant de facto la peine capitale dans son pays, malgré l'opposition du parlement qui n'a jamais voté l'abolition.

M. Eltsine a indiqué jeudi avoir signé un décret graciant jusqu'au dernier les 713 condamnés à mort qui attendaient leur exécution en Russie, a annoncé le service de presse du Kremlin.

"J'ai signé un décret graciant le dernier condamné à mort (...) il n'y a plus de condamnés à mort aujourd'hui en Russie", a écrit le président, dans un message aux participants à une conférence sur la peine de mort à Moscou.

Le président devrait commuer leur peine en détention à perpétuité ou en 25 ans de prison, selon le chef de la Commission des grâces, Anatoli Pristavkine. Le service de presse présidentiel, interrogé par l'AFP, n'a pourtant pas pu fournir de précisions.

A la suite de l'adhésion de la Russie au Conseil de l'Europe le 28 février 1996, M. Eltsine avait imposé un moratoire sur les exécutions, comme le permet la constitution. Aucun condamné à mort en Russie n'a été exécuté depuis le mois d'août 1996.

En février 1999, la Cour constitutionnelle avait, par ailleurs, décidé de suspendre les condamnations à mort jusqu'à la création de cours d'assises avec jury populaire. Seules neuf régions de Russie sur 89 ont actuellement une cour d'assises.

Il restait néanmoins 713 condamnés à mort détenus dans un camp spécial près de Vologda (nord).

En adhérant au Conseil de l'Europe, la Russie s'est engagée à abolir la peine de mort dans les trois ans, soit avant fin février 1999. Mais la Douma (chambre basse du parlement), dominée par les communistes, a refusé jusqu'ici de voter l'abolition.

"Les citoyens de ce pays ne sont pas favorables à la suppression de la peine de mort", estimait en février le chef du Parti communiste Guennadi Ziouganov, jugeant l'abolition de la peine capitale prématurée.

Selon le dernier sondage sur ce sujet, effectué en décembre par l'Institut "Opinion publique", 64% de Russes sont opposés à l'abolition de la peine de mort contre 25% qui y sont favorables. Parmi les partisans du PC, le nombre de ceux qui soutiennent la peine capitale est encore plus considérable, avec 74% contre 16%.

Au sein même de la Commission des grâces, il n'y a pas d'opinion unanime sur l'abolition de la peine de mort.

M. Pristavkine a souligné que l'arrêt des exécutions depuis trois ans n'avait pas contribué à l'augmentation de la criminalité en Russie. "Ces trois dernières années, le nombre de meurtres est resté stable, à 29.000 par an, et le nombre de viols a même diminué de 10%", a-t-il dit.

"En Russie le nombre d'erreurs judiciaires est beaucoup plus élevé que dans d'autres pays. Nous sommes malheureusement responsables de la mort de plusieurs innocents injustement condamnés", a déclaré l'un de ses membres, le député Valeri Borchtchev.

"Mais il ne faut pas oublier que les criminels ont eux-mêmes fait couler des flots de sang", réplique un autre membre de la commission, l'écrivain Arkadi Vaïner.

"Actuellement, il n'y a plus de peine de mort en Russie grâce aux décrets de Boris Eltsine, mais elle pourrait être de nouveau instaurée sous un autre président", a regretté M. Pristavkine.

"Les principaux candidats à la présidentielle (prévue en juin 2000), à l'exception de Grigori Iavlinski (chef du parti libéral Iabloko), sont pour la peine de mort", a-t-il expliqué.
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