Lahore (Agence Fides) – L'audience devant la Haute Cour de Lahore – second degré de jugement – lundi 17 mars rouvrira le procès d'Asia Bibi, pakistanaise protestante mère de cinq enfants arrêtée le 19 juin 2009 et condamnée à mort le 11 novembre 2010 par un tribunal de premier degré sur la base de la loi sur le blasphème. Elle est inculpée d'avoir offensée le prophète Mahomet et se trouve actuellement dans la prison féminine de Multan au Pendjab. Ainsi que l'indiquent à Fides les défenseurs d'Asia Bibi, cette dernière ne sera pas présente à l'audience pour raisons de sécurité. L'audience en question avait été programmée en février dernier puis renvoyée. Aujourd'hui, ses défenseurs sont une équipe coordonnée par l'avocat chrétien Naeem Shakir, personnalité bien connue dans le domaine de la défense des droits fondamentaux, qui a été récompensé par le gouvernement pakistanais en 2012 au travers du Human Rights Defender Award. L'avocat, sur la base des documents, des témoignages et de la décision de premier degré indique à Fides être "confiant quant au déroulement du procès et la libération" de sa cliente, attendu que "son innocence ne peut être remise en cause". Au sein de l'équipe, se trouvent également des avocats musulmans. La défense ne veut en effet pas que le cas soit transformé en un "conflit de religion" mais qu'il soit considéré seulement au plan légal. L'affaire demeure cependant délicate parce qu'elle est devenue un symbole. En 2010, un imam de Peshawar avait même mis une récompense sur la tête d'Asia Bibi et si les groupes islamiques devaient descendre dans la rue pour protester, les défenseurs de l'accusée insistent : "le cas se défend au tribunal et nous voulons qu'il ait une valeur strictement juridique. Asia est innocente". "En l'absence de pressions sur les juges et dans le cas où il serait géré avec soin et diligence, le procès conduira à la remise en liberté d'Asia". Selon les prévisions, la Haute Cour aura besoin de trois à quatre audiences avant de se prononcer et la décision pourrait être rendue d'ici six mois.
Contacté par Fides, le mari d'Asia Bibi, Ashiq Masih affirme : "Nous attendons depuis des années qu'Asia soit libérée. Sa présence me manque beaucoup, à moi et à nos enfants". Masih et les avocats ont rendu visite à Asia à Multan voici une semaine. "Elle a souffert de fièvre mais maintenant, elle se trouve en de bonnes conditions générales. Elle prie et espère, demandant à tous de prier pour elle. Asia a souffert en prison en tant qu'innocente pendant de nombreuses années. Aujourd'hui, elle prie en vue de son acquittement" raconte-t-il à Fides. Les dépenses légales sont pour l'heure prises en charge par la Renaissance Education Foundation (REF) de Lahore et par un certain nombre d'ONG. Les communautés chrétiennes de Lahore, entre temps, invitent tout un chacun à la prière par le bouche-à-oreille "afin que les juges aient la force et la sagesse de prendre la juste décision et qu'ils soient libres de préjudices et honnêtes".
Le cas d'Asia Bibi a représenté un choc pour le pays. En 2010, le Ministre catholique chargé des Minorités de l'époque, Shahbaz Bhatti, et le gouverneur du Pendjab, le musulman Salmaan Taseer, ont été tués par des extrémistes parce qu'ils appuyaient des modifications à controversée loi sur le blasphème, qui condamne à la réclusion à perpétuité et à la peine capitale les outrages contre le prophète Mahomet et le coran. Comme dans le cas d'Asia Bibi, la loi est souvent utilisée de manière instrumentale dans le cadre de controverses personnelles et utilisée contre les minorités religieuses.