ANKARA, 29 juin (AFP) - La condamnation à mort du chef rebelle kurde Abdullah Ocalan est tombée mardi sans surprise, au regard du droit turc, plaçant la Turquie devant un choix décisif : le pendre ou pas?
Si la sentence est confirmée par la Cour de cassation, la décision passera au niveau politique puisque le dernier mot revient au parlement qui ratifie les exécutions.
Les avocats d'Ocalan ont en outre annoncé qu'ils allaient faire appel auprès de la Cour européenne des droits de l'Homme.
L'ensemble du processus peut prendre des semaines, voire des mois, laissant un délai de réflexion à l'Etat turc pour évaluer le pour et le contre.
Le parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) d'Ocalan a réagi mardi en appelant ses sympathisants à des protestations "pacifiques et démocratiques" après la sentence, soulignant qu'elle ne constituait pas la décision finale sur son sort.
Le conseil de direction du mouvement s'est ainsi abstenu de proférer les menaces d'une intensification de la guerre contre l'Etat turc, suspendant son attitude à la décision que prendra la Turquie sur sa pendaison.
Ankara doit aussi faire face aux appels de l'étranger lui demandant de ne pas exécuter le leader kurde, venus dès mardi de France, Grande-Bretagne, d'Allemagne, de Suisse et de Russie, quelques heures après la sentence.
Le Conseil de l'Europe a d'ores et déjà menacé de suspendre la Turquie de ses rangs si le chef kurde est pendu.
Un parlementaire italien, Fabio Evangelisti, qui représentait le conseil de l'Europe à la dernière audience du procès, a souligné que "l'exécution d'Ocalan créérait de gros problèmes" et "rendrait très difficile l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne" à laquelle elle est candidate depuis plus de 30 ans.
Un porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Sermet Atacanli, a répondu mardi que "la Turquie n'acceptera aucune intervention étrangère".
Mais Ankara a pourtant déjà pris en compte des critiques européennes, en supprimant pendant le procès le juge militaire qui siège au sein des Cours de sûreté de l'Etat (DGM), organe qui jugeait Ocalan.
La peine de mort prononcée contre lui ne peut que déplaire aux défenseurs des droits de l'Homme, aux Européens qui souhaitent son abolition, et aux responsables qui ont pressé la Turquie de saisir le procès comme une "chance historique" pour aboutir à une solution pacifique du conflit kurde.
Une pendaison représenterait un pas décisif vers une probable montée de la tension, tant vis à vis des Kurdes que de l'Europe.
La Turquie n'a exécuté aucun condamné depuis 1984 car le parlement a retenu son consentement. Il lui sera toutefois difficile de ne pas se prononcer dans le cas de l'ennemi public numéro un de l'Etat. Et l'opinion publique turque, majoritairement hostile au "tueur de bébés", devrait aussi peser.
Depuis quelques jours déjà, les éditoriaux se multiplient dans la presse turque pour évaluer le pour et le contre d'une éventuelle pendaison d'Ocalan, plusieurs redoutant qu'elle n'en fasse un martyr pour les Kurdes et n'éloigne la Turquie de l'Europe.
"Ne le pendons pas, car il deviendra un symbole, la Turquie sera isolée -un pays démocratique n'agit pas par vengeance- la terreur n'en finira jamais. La Turquie, pour rester membre du monde démocratique, doit réaliser que des Kurdes vivent sur son sol et respecter leur demande de protéger leur identité", estimait mardi l'éditorialiste du quotidien libéral Radikal.