Une semaine après la longue agonie d'un condamné à mort en Oklahoma, un comité bipartisan d'experts a appelé mercredi à une réforme profonde de la peine capitale aux Etats-Unis, à commencer par la fin du "secret d'Etat" sur les exécutions.
Qu'il s'agisse de l'Arkansas, de la Géorgie, du Texas ou de l'Oklahoma, les Etats "ont intensifié leurs efforts pour cacher les informations sur la préparation de leurs procédures d'injection létale", souligne le rapport d'un comité d'experts -- opposants et partisans de la peine de mort --, réunis par l'organisation "Constitution Project".
"Cela pose un risque inacceptable que les détenus endurent une mort inutilement cruelle et douloureuse, en violation de la Constitution américaine", ajoute l'étude de 208 pages, exhortant les autorités à "agir en toute transparence".
Le 29 avril, le condamné Clayton Lockett avait été pris de convulsions après l'expérimentation d'un cocktail de trois médicaments et avait péri d'une crise cardiaque au terme de 43 minutes d'agonie.
Or les avocats de Lockett avaient réclamé en vain devant les tribunaux à être renseignés sur la nouvelle procédure, en particulier la provenance des produits injectés et leur composition. L'Oklahoma s'y était refusé.
Un condamné à mort du Texas, Robert Campbell, dont l'exécution est prévue le 13 mai, a aussi fait appel à la justice mardi pour obtenir un sursis et faire tomber ce "secret d'Etat".
"La publication du nouveau rapport ne pouvait pas mieux tomber", a déclaré l'ancien gouverneur démocrate du Texas Mark White, membre du comité aux côtés de juges, procureurs, avocats et autres spécialistes.
La semaine dernière, Barack Obama a ordonné une révision complète des procédures de peine de mort dans le pays, après l'exécution de Lockett, que le président américain a qualifiée de "profondément dérangeante".
"Utilisez ce rapport", a imploré Anthony Graves, un condamné à mort du Texas, innocenté et libéré après plus de 18 ans de prison.
"Je ne suis pas ici pour faire libérer tous ceux qui sont dans le couloir de la mort", a lancé cet Afro-Américain de Houston, lors d'une conférence sur le rapport. Mais "nous devons rendre le système juste". Actuellement, "nous assassinons des innocents" car "ils ne peuvent simplement pas se payer de bons avocats".
Parmi ses 39 recommandations, le rapport, intitulé "Erreur irréversible", demande l'attribution d'avocats "efficaces", expérimentés et spécialisés dans les cas de peine de mort.
Il réclame en outre que "la peine capitale soit réservée aux crimes les plus haineux" et aux auteurs réellement impliqués dans l'homicide.
L'ancien ministre républicain de la Justice de Virginie Mark Earley a trouvé "profondément injuste" qu'un voleur de voiture ait été exécuté parce que sa victime âgée était morte des suites du car-jacking.
A toutes les étapes, "la procédure doit être juste et non pas expédiée", jusqu'à l'exécution, a-t-il plaidé.
Le rapport appelle à des "procédures qui minimisent le risque de souffrances" et prône à cet égard l'adoption d'un seul anesthésiant à dose létale, par opposition aux trois produits utilisés dans certains Etats.
Depuis le refus des fabricants européens de fournir l'anesthésiant le plus courant pour des exécutions humaines, les 32 Etats américains pratiquant la peine capitale "ont modifié pratiquement chaque aspect de leurs protocoles d'injections létales, avec une fréquence sans précédent", a observé Deborah Denno, professeur de droit à la Fordham University.
"Il y a eu plus de changements (...) pendant les cinq dernières années qu'au cours des trois dernières décennies", dit-elle, précisant que les Etats "se tournent de plus en plus" vers des préparateurs en pharmacie.
Ces sociétés sont sous l'autorité des Etats, ceux-là même qui demandent les produits pour leurs exécutions, et leurs médicaments ne sont pas agréés au niveau fédéral.
Les autorités ne doivent plus adopter désormais que des produits "approuvés par l'Agence fédérale du médicament" (FDA) et s'assurer de la présence de personnels médicaux qualifiés aux exécutions, plaide encore le rapport.
Car la pose de l'intraveineuse et le processus d'injection sont "susceptibles d'erreurs". "Et ces erreurs peuvent et ont résulté dans des exécutions ratées", comme celle de Lockett.