LA HAVANE - Les gros bonnets de la drogue affronteront le poteau d'exécution à Cuba, a averti lundi le président Fidel Castro qui n'a pas hésité à faire fusiller il y a dix ans le général Arnaldo Ochoa, un héros de l'armée cubaine accusé de trafic de stupéfiants.
Le procureur général Juan Escalona, ancien accusateur du général Ochoa, a justement été chargé de présenter lundi le projet de loi qui étend la peine capitale aux gros trafiquants de drogue ou à ceux qui fourniraient des stupéfiants à des enfants mineurs ou les impliqueraient dans le trafic.
Le texte devrait être adopté lundi par les députés de l'Assemblée Nationale du Pouvoir Populaire (ANPP, parlement), convoqués par le chef de l'Etat pour une session extraordinaire.
L'application de la peine capitale doit servir à éviter encore plus de morts provoquées par les activités des trafiquants de drogue, a argumenté le "lider maximo" en réponse à de rares réticents dans les rangs de l'Assemblée.
"Avant d'en arriver à 2.000 morts en relation avec la drogue, il est préférable de fusiller quelques personnes", a-t-il assuré sous les applaudissements des députés.
Le cauchemar du trafic de drogue international poursuit Fidel Castro depuis "l'affaire Ochoa" qui vient de connaître un nouvel avatar à Paris où est instruite une plainte contre le chef de l'Etat cubain pour trafic de stupéfiants.
Le 13 juillet 1989 un peloton d'exécution fusillait quatre officiers supérieurs, dont le général Ochoa, héros des corps expéditionnaires cubains dans les conflits angolais et éthiopiens. Les quatre hommes avaient été condamnés lors d'un "méga-procès" sur leur rôle dans un réseau international de trafic de drogue.
Ileana de la Guardia, la fille de l'un des officiers exécutés a déposé plainte avec constitution de partie civile le mois dernier à Paris contre Fidel Castro pour notamment "trafic international de stupéfiants".
Selon la plaignante, le trafic de drogue était organisé au plus haut niveau de l'Etat cubain et son père, le colonel Antonio de la Guardia, a été sacrifié avec ses trois compagnons d'armes pour protéger Fidel Castro d'éventuelles accusations venant des Etats-Unis.
Même si le Parquet de Paris s'estime incompétent, l'image du chef de l'Etat cubain est ternie par cette affaire, inspirée des procédures contre l'ancien dictateur chilien Augusto Pinochet.
Evoquant le cas de deux Espagnols qu'il a accusés le mois dernier d'avoir fait passer par Cuba à destination de l'Europe des tonnes de cocaïne colombienne sous couvert d'une entreprise mixte hispano-cubaine, Fidel Castro s'est demandé lundi si ce trafic n'avait pas été inspiré depuis les Etats-Unis afin de discréditer son régime.
Les autorités cubaines craignent notamment que les Etats-Unis n'accusent La Havane de complaisance envers les trafiquants de drogue pour discréditer le régime auprès de ses partenaires étrangers, voire pour intervenir militairement comme au Panama en 1989 contre le régime de Manuel Antonio Noriega.
La Maison Blanche a d'ailleurs indiqué récemment que Cuba pourrait bientôt figurer sur la liste noire des pays mêlés au trafic de drogue.
Le "lider maximo" est donc particulièrement soucieux d'écarter tout soupçon: Cuba a eu depuis la révolution castriste il y a "40 ans, l'histoire la plus propre, (la politique) la plus conséquente, la plus énergique en matière de trafic de drogue", a-t-il clamé le 5 janvier dernier devant 5.000 policiers réunis à La Havane.
"Cela me blesse beaucoup, je suis sûr que vous tous également et que tout notre peuple se sent blessé" de voir mêlé le nom de Cuba au trafic de drogue, s'est lamenté Fidel Castro après la découverte en Colombie au début du mois de décembre de sept tonnes de cocaïne qui devaient transiter par La Havane, dissimulées dans des conteneurs.