Le président du conseil national des droits de l'Homme (CNDH, officiel), Driss el Yazami, a exhorté lundi le Maroc à abolir la peine de mort, une décision à laquelle s'oppose le gouvernement emmené par les islamistes du parti Justice et développement (PJD).
Si des peines de mort continuent d'être prononcées au Maroc, un moratoire est appliqué de facto depuis 1993, et le royaume est perçu au sein de la communauté internationale et par des ONG comme l'un des pays arabes susceptibles de franchir le pas de l'abolition.
Lors de la présentation d'un rapport devant le Parlement lundi, le président du CNDH, un organisme officiel, a souligné la "nécessité" de "mettre en œuvre (...) l'abolition de la peine de mort".
Selon le résumé de son intervention, il a notamment fait valoir que la mesure figurait parmi "les principales recommandations institutionnelles de l'Instance équité et réconciliation" (IER), instaurée en 2004 afin de se pencher sur les violations des droits de l'Homme lors des décennies précédentes.
Cette prise de position intervient quelques semaines après celle, contraire, exprimée par le ministre de la Justice, Mustapha Ramid, issu du PJD.
"J'affirme qu'il n'y a rien dans les lois internationales qui impose l'abolition de la peine de mort", a-t-il déclaré mi-mai devant le Parlement.
"Aux 200 parlementaires qui veulent l'abolir, je vous dis +vous êtes libres de le faire+ mais nous, au gouvernement, nous avons une autre opinion, c'est de réduire le nombre de crimes passibles de la peine de mort", avait-il ajouté.
M. Ramid se référait au "Réseau des parlementaires contre la peine de mort", créé début 2013 et qui compterait quelque 210 membres.
Deux propositions de loi ont été déposées au Parlement, dont une par au moins 39 députés de l'Union socialiste des forces populaires (USFP, opposition). La chambre des Représentants compte 325 députés.
Une nouvelle Constitution, adoptée en 2011, dans le tumulte du Printemps arabe, consacre notamment le "droit à la vie", mais sans prévoir explicitement l'abolition de la peine capitale.
Le président du CNDH a par ailleurs réaffirmé la nécessité de faire "toute la lumière sur les cas en suspens de disparitions forcées, dont celui de Mehdi Ben Barka", opposant enlevé le 29 octobre 1965 à Paris et dont le sort n'a jamais été élucidé.
Driss El Yazami a également évoqué la persistance d'un "usage disproportionné de la force" et "l'arrestation abusive de militants des droits de l'Homme lors de manifestations pacifiques".
La "multiplication inquiétante" des violences contre les femmes ainsi que "la courbe ascendante des mariages des mineures" —qui ont doublé en 10 ans pour atteindre 35.000 cas en 2013— ont aussi figuré parmi les points soulevés.