(Agence France-Presse) Washington - La longue agonie d'un condamné à mort sur la table d'exécution, la troisième en moins d'un an aux États-Unis, va contraindre la Cour suprême à se pencher sur l'avenir de la méthode controversée d'injection létale, la seule utilisée dans le pays.
Qualifiée de «supplice», de «calvaire» ou de «torture», l'exécution du double meurtrier Joseph Wood, mercredi en Arizona (sud-ouest), a déclenché une tempête immédiate de protestations, des voix s'élevant aussitôt pour réclamer un moratoire sur les exécutions et une révision de la méthode au plus haut niveau.
Il a «haleté», «grogné», «suffoqué», selon son avocat, et a mis, selon les autorités pénitentiaires, près de deux heures à succomber après le début de l'injection, contre une dizaine de minutes habituellement.
«Cela doit s'arrêter, cela doit servir d'alarme, nous ne pouvons pas torturer, mettre des gens sur une table d'exécution pendant deux heures et espérer qu'ils meurent», a déclaré à l'AFP Richard Dieter, directeur du Centre d'information sur la peine capitale. «C'est tout à fait inadmissible, c'est une claire indication qu'un changement est nécessaire au plus haut niveau».
Joseph Wood était le troisième condamné à mort cette année à être exécuté dans d'apparentes souffrances et lors d'une procédure exceptionnellement longue.
Les produits utilisés pour le tuer, l'anesthésiant Midazolam combiné à de l'Hydromorphone, un dérivé de la morphine, étaient les mêmes que ceux ayant servi lors d'une exécution qui avait mal tourné en janvier en Ohio (nord), au cours de laquelle le condamné s'était agité et avait gémi pendant 26 minutes.
Fin avril, la mort d'un prisonnier en Oklahoma (sud-ouest), 43 minutes après l'injection d'un mélange de trois produits, avait été qualifiée de «profondément dérangeante» par le président Barack Obama, qui avait ordonné une révision des procédures d'injection létale dans tout le pays.
«C'est vraiment dans l'air maintenant. Après cette série d'exécutions sabotées, on va voir les tribunaux beaucoup plus engagés, et on va sûrement voir la Cour suprême s'emparer de la question», a déclaré Steven Hall, expert et directeur de l'organisation StandDown.
La plus haute Cour du pays a jusqu'ici obstinément refusé de s'emparer de la polémique. Elle a rejeté une à une les multiples plaintes des condamnés à mort, jusqu'à celles de Joseph Wood, qui toutes dénoncent le secret entourant les procédures d'injection létale dans les 32 États américains où la peine capitale est en vigueur.
Depuis le refus des fabricants européens de fournir des barbituriques à des fins d'exécution, les Etats se fournissent auprès de préparateurs en pharmacie non homologués, qui par crainte de représailles ou de recours judiciaires refusent d'être identifiés.
Au nom du droit de savoir, protégé par le Premier Amendement de la Constitution, les condamnés à mort réclament toutes les informations sur les produits utilisés, et sur les qualifications du personnel chargé de les injecter.
Ils arguent aussi des souffrances inconstitutionnelles qu'ils risquent de subir avec des barbituriques non agréés ou des erreurs de manipulation, et qui sont interdites par le 8e Amendement de la Constitution.
A présent, quatre des neuf juges de la haute Cour pourraient prendre la question à bras le corps et «s'ils parviennent à obtenir un cinquième vote, déclarer l'ensemble de la peine de mort inconstitutionnelle en violation du 8e Amendement», a prédit Robert Blecker, professeur à la New York Law School et fervent partisan de la peine capitale.
Pour l'auteur du livre The Death of Punishment, «toute la controverse sur l'injection létale est largement l'oeuvre des opposants abolitionnistes: ils retardent, refusent les produits traditionnels, menacent leurs fabricants, attaquent les Etats en justice...»
«Tout est affaire de calcul», explique à l'AFP cet expert, qui espère que la tendance penchera plutôt vers des méthodes alternatives. Car par sa «médicalisation, l'injection létale crée la confusion et cache le fait qu'il s'agit d'un châtiment».
Parmi les voix qui s'élèvent, un porte-parole de l'Union européenne réclame aux autorités de l'Arizona un moratoire immédiat des exécutions, «premier pas vers l'abolition, pour suivre l'exemple des 18 États américains qui ont aboli la peine capitale».