Lahore (Pakistan) - Un tribunal pakistanais a rejeté jeudi l'appel de la chrétienne Asia Bibi, condamnée il y a quatre ans à la peine de mort en vertu d'une loi controversée sur le blasphème pour avoir insulté le prophète Mahomet, ont déploré ses avocats.
Asia Bibi, mère de cinq enfants, avait été condamnée à mort pour blasphème en novembre 2010 après avoir été accusée par des femmes musulmanes de son village, avec lesquelles elle s'était disputée, d'avoir insulté le prophète Mahomet.
Dans une affaire rappelant le système des castes, ces dernières avaient refusé de boire de l'eau dans un verre qu'Asia Bibi venait d'utiliser, jugeant cette eau impure car la chrétienne y avait bu avant elles. Quelques jours plus tard, ces femmes avaient fait état de l'affaire à un imam local qui avait porté plainte pour blasphème contre la jeune femme.
Or la loi pakistanaise sur le blasphème, accusée par les libéraux d'être instrumentalisée pour régler des conflits personnels mais défendue bec et ongles par les islamistes, prévoit la peine de mort pour les personnes dénigrant Mahomet.
Les avocats d'Asia Bibi avaient interjeté appel de la condamnation à mort, mais deux juges de la Haute cour de Lahore (est) ont rejeté l'appel, a dit à l'AFP un des avocats de la jeune chrétienne, Shakir Chaudhry, affirmant vouloir porter l'affaire en Cour suprême.
Jeudi, une douzaine d'imams, dont Qari Saleem, qui avait porté plainte contre Asia Bibi, ont salué la décision de la justice à la sortie du tribunal en chantant des slogans religieux. Nous allons distribuer des sucreries à nos frères musulmans car il s'agit d'une victoire pour l'islam, a déclaré à l'AFP l'imam Saleem.
Selon un rapport récent de la Commission américaine sur la liberté religieuse à travers le monde, le Pakistan est de loin le pays qui emprisonne le plus de citoyens soupçonnés de porter atteinte à la religion, principalement l'islam.
Si de nombreuses personnes ont été condamnées à mort pour blasphème, la peine capitale n'a pas été exécutée depuis 2008, à l'exception d'un soldat condamné en cour martiale, le pays respectant un moratoire sur la peine de mort.
Mais des personnalités politiques ayant plaidé en faveur d'une réforme de la loi sur le blasphème, dont le gouverneur du Penjab Salman Taseer et le ministre des minorités Shahbaz Bhatti, ont, elles, été assassinées par des extrémistes.
La loi sur le blasphème est souvent utilisée contre les chrétiens, mais aussi les Ahmadis, une minorité qui dit appartenir à la religion musulmane mais qui n'est pas considérée comme telle par la législation pakistanaise depuis le milieu des années 1970.
Jeudi, des hommes armés ont assassiné devant sa maison, dans le district d'Attock, situé une quarantaine de kilomètres au nord de la capitale Islamabad, Latif Aalam Butt, un ancien employé de l'armée qui est un membre connu de la minorité ahmadie, selon les autorités locales.