Pacte international relatif aux droits civils et politiques
Comité des droits de l'homme - 23 mai 2012
Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l'article 40 du Pacte
Deuxième rapport périodique des États parties - Kirghizistan
[3 avril 2012]
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II. Document de base
A. Informations générales sur la République Kirghize
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Nombre de personnes condamnées à la détention à perpétuité
203. Sur la base de la loi no 91 du 25 juin 2007 relative à l'introduction d'amendements et d'additions au Code pénal, au Code d'application des peines, au Code de procédure pénale et autres instruments législatifs, 172 personnes ont vu leur condamnation à la peine de mort commuée en condamnation à la détention à perpétuité. Au 1er juin 2011 il y avait dans les établissements du Service d'application des peines 247 condamnés à la détention à perpétuité.
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B. Cadre général de la protection et de la promotion des droits de l'homme
Adoption des normes internationales dans le domaine des droits de l'homme et ratification des principaux instruments internationaux de défense des droits de l'homme
215. La période 2008-2011 a vu la ratification par le Kirghizistan du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à abolir la peine de mort adopté l'Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 44/128 (15 décembre 1989).
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III. Informations sur l'application par le Kirghizistan des articles du Pacte international relatif aux droits civils et politiques
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Article 6 du Pacte
358. La Constitution consacre le principe selon lequel toute personne a le droit inaliénable à la vie. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie. La peine de mort est abolie (art. 21 de la Constitution). L'État est pleinement garant de cette prohibition. Le paragraphe 4 de l'article 20 précise que les garanties d'interdiction de la peine de mort ne sont susceptibles d'aucune restriction.
359. La peine de mort n'est plus appliquée au Kirghizistan depuis le 4 décembre 1998. La suspension de son application repose sur un décret présidentiel qui instaure un moratoire sur les exécutions capitales. Ensuite, ce moratoire a été reconduit. Conformément au programme national sur les droits de l'homme qui a été adopté pour la période 2002-2010 et approuvé par décret présidentiel en 2002, l'un des objectifs de la politique du Kirghizistan en matière de droits de l'homme a été de supprimer graduellement la peine de mort jusqu'à son abolition complète. Le 23 mars, le Jogorkou Kenech a adopté une loi excluant la peine capitale pour trois ensembles d'infractions: celles relevant de l'article 294 du Code pénal ("Meurtre d'une personnalité officielle ou publique"), celles relevant de l'article 319 ("Meurtre d'un magistrat ou d'un juge d'instruction") et celles relevant de l'article 340 ("Meurtre d'un agent des forces de l'ordre ou d'un militaire"). Le 29 décembre 2005, le décret présidentiel no 667 a reconduit le moratoire sur l'exécution des exécutions capitales jusqu'à l'abolition totale de la peine de mort par voie législative. Le Gouvernement a été chargé de préparer des projets de lois en vue de l'adhésion du Kirghizistan au Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté par l'Assemblée générale des Nations Unies le 15 décembre 1989 et en vue de l'abolition de la peine de mort et de sa commutation en peine de réclusion perpétuelle. L'adoption de la Constitution en novembre 2006 a entraîné dans les faits l'abolition de la peine de mort. En effet, l'article 14 de la Constitution dispose que toute personne a un droit inaliénable à la vie et que nul ne peut être privé de la vie.
360. La loi no 91 du 25 juin 2007 a aboli la peine de mort, et plusieurs articles du Code pénal l'ont remplacée par la réclusion perpétuelle pour les infractions suivantes: homicide aggravé (art. 97), viol sur mineure avec conséquences particulièrement graves (art. 129), meurtre d'une personnalité officielle ou publique (art. 294), meurtre d'un magistrat ou d'un juge d'instruction (art. 319), meurtre d'un agent des forces de l'ordre ou d'un militaire (art. 340), génocide (art. 373).
361. Avant le vote de la loi du 25 juin 2007, la Cour suprême avait été saisie de 139 affaires concernant 172 personnes condamnées à la peine capitale. Cette loi ayant été adoptée, un collège de magistrats de la Cour suprême a examiné 105 dossiers concernant 172 personnes condamnées à la peine capitale, laquelle a été commuée en réclusion perpétuelle; 30 affaires pénales concernant 34 personnes condamnées à mort ont été renvoyées devant des tribunaux locaux en raison du décès des condamnés; quatre affaires pénales concernant quatre personnes condamnées ont été renvoyées devant des juridictions locales pour réexamen à la suite de l'apparition d'éléments nouveaux.
362. En 2009, le Jogorkou Kenech a ratifié le deuxième Protocole facultatif. À l'époque, l'abolition de la peine capitale et sa commutation en réclusion perpétuelle n'ont pas particulièrement préoccupé la société. Ce qui a surtout posé un problème, c'est l'exécution des peines de réclusion perpétuelle. En effet, conformément aux articles 100 et 100-2 du Code d'application des peines, les condamnés doivent être détenus dans des établissements pénitentiaires à régime spécial, où les conditions d'incarcération sont plus sévères que dans les autres lieux de détention. Or le Kirghizistan manque d'établissements de ce type. Il a donc été décidé d'en construire un. En attendant qu'il soit achevé, les dispositions transitoires de la loi du 25 juin 2007 prévoient que les condamnés doivent être incarcérés dans des établissements à régime sévère (nos 1, 3 et 16). Depuis le 1er janvier 2008, 63 condamnés ont été transférés dans ces établissements. La cohabitation des condamnés à la réclusion perpétuelle avec les autres détenus a eu des conséquences catastrophiques. C'est ainsi que dans le pénitencier no 16 un condamné à la réclusion perpétuelle a blessé deux gardiens à coups de couteau. Ensuite, pendant son transfert dans un établissement à régime fermé, lui et d'autres condamnés ont été tués par des détenus. Cette affaire a fait l'objet d'un débat devant la commission du Jogorkou Kenech et il a été décidé que toutes les personnes condamnées à la réclusion perpétuelle devaient être renvoyés dans les maisons d'arrêt du Ministère de la justice. En outre, il ressort de rapports du centre de défense des droits de l'homme "Les Citoyens contre la corruption" que les conditions d'internement des condamnés à la réclusion perpétuelle sont assimilables à de la torture. C'est pourquoi il est impératif que toutes les réformes du système d'application des peines s'accompagnent de financements adéquats.
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