Amman - La Jordanie a repris dimanche les exécutions de condamnés à mort, suspendues depuis huit ans, en pendant onze hommes pour meurtres, a annoncé le ministère de l'Intérieur.
Onze criminels jugés dans différentes affaires de meurtres ont été exécutés à l'aube dans une prison à 70 km au sud d'Amman, a déclaré le porte-parole du ministère Ziyad Zoobi, cité par l'agence officielle Petra.
La reprise des exécutions a été dénoncée par des organisations de défense des droits de l'Homme. La Jordanie perd sa position comme rare voix progressiste sur la peine de mort au Moyen-Orient, a regretté Sarah Leah Whitson, directrice de Human Rights Watch (HRW) au Moyen-Orient.
Les hommes exécutés étaient des Jordaniens condamnés en 2005 et 2006 dans des affaires de meurtres sans lien avec la politique ou le terrorisme, selon un responsable de l'administration pénitentiaire. Ils étaient âgés pour la plupart d'une quarantaine d'années.
La peine de mort n'était plus appliquée depuis 2006 dans le royaume mais le ministre de l'Intérieur, Hussein Majali, a récemment déclaré qu'il existait dans le pays un grand débat sur la peine de mort. L'opinion publique estime que l'augmentation des crimes est due à la non-application de cette peine, selon lui.
Selon des sources judiciaires, 122 personnes, parmi lesquelles figurent quelques femmes, ont été condamnées à mort en Jordanie depuis le moratoire informel de 2006.
Les autorités ont été confrontées ces dernières années à une vague de violences, de criminalité et de meurtres. Elles veulent relever le défi en optant pour la dissuasion et l'application de nouveau de la peine de mort, a expliqué Arib al-Rantaoui, directeur du centre al-Qods pour les études politiques.
Selon cet expert opposé à la peine de mort, l'Etat veut imposer son autorité en recourant à cette peine, mais cela va susciter un levée de boucliers au sein de la société civile et d'ONG internationales.
Au sein de la société et des milieux politiques, nombreux sont ceux qui lient la montée de la criminalité à la non-application de la peine de mort. C'est le point de vue de ce courant qui a été pris en compte, a confirmé Mohamed Abou Roumane, du Centre des études stratégiques à l'Université jordanienne.
Pour Assem Rababaa, le directeur de l'ONG Adala (Justice), opposée à la peine capitale, ce sont les problèmes politiques et économiques qui favorisent la criminalité. Les autorités ne doivent pas se lancer dans une fuite en avant en ignorant ces problèmes. Elles doivent réviser leur décision pour être en conformité avec leurs engagements internationaux en faveur des droits de l'Homme.
Selon HRW, le roi Abdallah II avait affirmé en 2005 à un journal italien sa volonté de modifier le code pénal afin que la Jordanie devienne le premier pays du Moyen-Orient sans la peine de mort.