Amnesty International a qualifié de "très préoccupante" et de "forte régression" la décision du Pakistan d'exécuter 500 prisonniers, accusés de terrorisme.
Pour l'ONG de défense des droits humains, une telle sentence ne permet nullement de protéger les civils du conflit avec les talibans. Islamabad a annoncé lundi son intention d'exécuter près de 500 condamnés à mort ces prochaines semaines, quelques jours après la fin du moratoire en vigueur depuis 2008 sur l'exécution des peines capitales.
Le Pakistan a rendu publique la fin de ce moratoire pour les affaires de terrorisme juste après le massacre par un commando rebelle taliban de 149 personnes dont 133 écoliers il y a une semaine dans une école de Peshawar (nord-ouest). Six personnes ont déjà été mises à mort.
"Les chiffres cités concernant les prisonniers qui doivent être exécutés sont plus que préoccupants et indiquent une forte régression", déclare l'organisation de défense des droits humains dans un communiqué diffusé lundi.
"Le Pakistan a connu une terrible tragédie à Peshawar (...). Toutefois, recourir à la peine de mort (...) ne fait que masquer les problèmes sous-jacents auxquels le gouvernement doit s'attaquer: les communautés qui vivent dans le nord-ouest du pays sont en effet fortement exposées aux violences et aux atteintes aux droits humains."
Selon les médias pakistanais, 55 personnes (...) doivent déjà être pendues dans les prochains jours, leurs recours en grâce ayant été rejetés.
"La vitesse avec laquelle ces exécutions sont programmées soulève de graves questions quant à la pertinence des recours en grâce - ultimes garanties - dans un pays où les procès sont systématiquement entachés d'irrégularités", a déclaré David Griffiths, directeur adjoint du programme Asie-Pacifique d'Amnesty International.
"Loin de contribuer à protéger les civils pris au piège dans ce conflit, le fait d'exécuter des condamnés à mort vient s'ajouter au niveau de violence déjà très élevé au Pakistan", ajoute l'ONG.
Parmi les condamnés à mort figure Shafqat Siddiqui, 14 ans au moment de son arrestation. Selon ses avocats, il a été condamné sur la base d'un seul élément de preuve, à savoir des "aveux" extorqués au bout de neuf jours de torture.
Or le droit international prohibe la torture, et l'application de la peine capitale pour les crimes commis par des personnes de moins de 18 ans, rappelle Amnesty. De façon générale, l'ONG s'oppose "en toutes circonstances et sans aucune exception" à la peine de mort.
Le chef d'un des groupes islamistes sectaires les plus violents du pays devrait lui sortir de prison jeudi, ont annoncé mardi dans ce contexte des responsables locaux. Cette annonce risque de brouiller le message du gouvernement d'Islamabad, qui s'est engagé à ne plus tolérer ces groupes, dont certains ont des liens historiques avec l'Etat.
Malik Ishaq est le chef du Lashkar-e-Jhangvi (LeJ). Ce groupe armé interdit proche d'Al-Qaïda a revendiqué de nombreuses attaques ces dernières années, dont deux contre la minorité chiite (20% de la population pakistanaise à majorité sunnite) qui ont tué près de 200 personnes à Quetta (sud-ouest) en 2013.
Malik Ishaq avait été blanchi en mai dernier par un tribunal antiterroriste pakistanais d'accusations d'incitation à la violence et à la haine. Il restait depuis détenu dans le cadre des lois de garantie de l'ordre public.