Sans même attendre la fin de la sélection des jurés, la question de l'application de la peine de mort est au centre du procès de l'auteur présumé des attentats du marathon, Djokhar Tsarnaev.
Mardi, comme il l'avait fait la veille au premier jour de la sélection des jurés, le juge fédéral George O'Toole a répété à un groupe de jurés potentiels que ce procès «était très différent de beaucoup d'autres affaires criminelles. M. Tsarnaev est accusé de crimes potentiellement punissables de la peine de mort (...) et selon la loi, c'est la responsabilité du jury, et non du juge, de décider si l'accusé doit être condamné à mort ou à la prison à vie». Il a d'ailleurs souligné qu'il s'agissait des seules options possibles.
De nombreux experts sont déjà persuadés que Djokhar Tsarnaev, 21 ans, sera reconnu coupable, en raison des pièces à conviction accumulées: images de caméras de surveillance le montrant avec un sac à dos sur les lieux des attentats, aveux supposés sur son lit d'hôpital, explication de son acte sur une paroi intérieure du bateau dans lequel il avait été retrouvé.
«Ce cas n'est pas une question de culpabilité», estime le professeur Daniel Medwed, de la Northeastern University de Boston. «Dans mon esprit, c'est une question de savoir s'il va être ou non condamné à mort», a-t-il expliqué à la radio NPR.
Douze jurés et six remplaçants - choisis parmi un nombre record de 1200 jurés potentiels convoqués cette semaine au tribunal- seront chargés de décider de la culpabilité de Tsarnaev, puis de sa condamnation après une seconde phase de procès, s'ils le jugent coupable. Cette condamnation devra être unanime.
Chaque juré devra notamment être ouvert à l'idée de la peine de mort, mais capable de ne pas forcément l'imposer.
L'Etat du Massachusetts, dont Boston est la capitale, n'a plus la peine capitale dans son arsenal juridique depuis 1984. Aucun condamné n'y a été exécuté depuis 1947. En septembre 2013, 57% des Bostoniens se disaient hostiles à la peine capitale pour Tsarnaev, 33% y étant favorables, selon un sondage du quotidien Boston Globe.
Mais s'agissant d'un acte de terrorisme avec utilisation d'une arme de destruction massive, Djokhar Tsarnaev, jeune musulman d'origine tchétchène, naturalisé Américain en 2012, relève de la justice fédérale.
Le ministre américain de la Justice Eric Holder, pourtant peu favorable à la peine capitale, avait lui même annoncé en janvier 2014 qu'il comptait la demander, dénonçant la façon «particulièrement haineuse, cruelle et dépravée» avec laquelle Tsarnaev avait agi.
L'une de ses avocates, Judy Clarke, est l'une des meilleures spécialistes de la peine capitale aux Etats-Unis. Elle l'a évitée à plusieurs accusés, dont l'auteur de l'attentat des jeux Olympiques d'Atlanta en 1996, Eric Rudolph, l'«Unabomber» Ted Kaczynski, le Français Zacarias Moussaoui, ou encore Jared Loughner, auteur d'une fusillade mortelle dans laquelle avait été grièvement blessée Gabrielle Giffords, une élue du Congrès.
Tous avaient plaidé coupable à un moment donné, en échange de la réclusion à perpétuité.
Mme Clarke s'efforcera de convaincre que le jeune Tsarnaev, qui écoute depuis deux jours, un peu nerveux, les recommandations du juge aux jurés potentiels, était sous l'influence de son frère aîné Tamerlan, décédé lors d'une confrontation avec la police quatre jours après les attentats. Ils avaient fait trois morts et 264 blessés le 15 avril 2013, près de la ligne d'arrivée du marathon.
Mais pour retirer la peine de mort de la table, il faudrait un accord avec les procureurs, qui pour l'instant ne semblent pas intéressés. Cet accord peut intervenir à tout moment.
Si les procureurs acceptent, il faudra encore que cet accord soit validé par le ministre de la Justice, selon des experts.
Les condamnations à mort fédérales sont rares aux Etats-Unis: 61 condamnés fédéraux se trouvent dans le couloir de la mort, contre 3054 relevant de la justice de leur Etat, selon le Centre d'Information sur la peine de mort.
Les exécutions fédérales le sont encore plus: quatre seulement depuis 1963, dont celle de Timothy McVeigh en 2001, pour l'attentat d'Oklahoma City. La dernière date de 2003.