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Pakistan/blasphème: manifestation en faveur du meurtrier d'un gouverneur, jugé en appel

dépêche de presse du 3 février 2015 - Agence mondiale d'information - AFP
Pays :
peine de mort / Pakistan
Islamabad - Plusieurs centaines de Pakistanais ont manifesté mardi en soutien à Mumtaz Qadri, condamné à mort pour avoir tué un gouverneur accusé de blasphème, et qu'ils considèrent à ce titre comme un héros de l'islam.

Qadri avait assassiné en 2011 Salman Taseer, gouverneur du Pendjab, car ce dernier avait apporté son soutien à Asia Bibi, une chrétienne accusée de blasphème, et s'était déclaré favorable à une réforme de la loi sur ce sujet, défendue bec et ongles par les islamistes, très influents dans le pays.

Ce rassemblement pacifique de 300 personnes, organisé devant la Haute Cour d'Islamabad où se déroule ces jours-ci le procès en appel de M. Qadri, était organisé par le Sunni Tehreek, un mouvement politico-religieux local qui avait également manifesté contre les caricatures de Charlie Hebdo.

Qadri a fait ce qu'il devait faire, c'est un héros de l'islam !, Honte à vous, relâchez Qadri ! ou encore Qadri s'est couvert de grâce en prenant les armes contre un blasphémateur, chantaient bruyamment les manifestants, vêtus de longues chemises traditionnelles locales.

En 2011 Mumtaz Qadri, alors policier chargé d'assurer la protection rapprochée de Salman Taseer, l'avait criblé d'une vingtaine de balles d'arme automatique devant un café d'un marché branché d'Islamabad.

Il s'était immédiatement rendu et avait avoué son geste en expliquant avoir voulu défendre l'islam face aux positions de M. Taseer sur la loi sur le blasphème.

Mon frère n'a rien fait de mal. Salman Taseer a été tué car il a blasphémé, et il ne peut y avoir qu'un châtiment (la mort, ndlr) pour cela, a expliqué à l'AFP Malik Mohammad Safir, le frère de Qadri, devant le tribunal.

Lors de l'audience du procès en appel mardi, les avocats de Qadri ont estimé que l'enquête était entachée de vices de forme. Leur tâche s'annonce impossible, l'accusé ayant avoué son meurtre par ailleurs corroboré par plusieurs témoins.

Mais l'affaire n'en reste pas moins très sensible, comme tout ce qui touche au blasphème au Pakistan.

Et si la plupart des observateurs s'attendent à voir la condamnation à mort de Qadri confirmée en appel, il estiment que le gouvernement, pour se ménager le soutien des influents islamistes, se gardera de l'exécuter.

En apportant son soutien à Asia Bibi et en se déclarant favorable à une réforme de la loi sur le blasphème, pour éviter les accusations abusives régulièrement dénoncées dans ces affaires, Salman Taseer avait à son tour été accusé de blasphème par les conservateurs.

Son meurtre a fait de Mumtaz Qadri une icône dans ces cercles islamistes qui placent la religion au dessus de toute loi.

La cas de Qadri illustre le rapport à l'islamisme ambigu du Pakistan, qui a récemment repris les pendaisons de condamnés à mort pour terrorisme à la suite du massacre de 153 personnes dont 134 écoliers par des rebelles islamistes talibans en décembre à Peshawar (nord-ouest), mais semble marcher sur des oeufs à propos de l'assassin d'un des plus hauts responsables de l'Etat.

Détenu à la prison d'Adyala de Rawalpindi, dans la banlieue d'Islamabad, Mumtaz Qadri y est très heureux et passe son temps à prier, a ajouté son frère Malik Mohammad Safir.
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