Avec la décapitation d'un violeur et de deux meurtriers mardi, 38 personnes ont été passées par les armes depuis le début de l'année en Arabie saoudite, qui exécute à un rythme «sans précédent» selon l'organisation Amnesty international.
Les trois décapitations ont eu lieu sur la place publique dans différents endroits du royaume ultraconservateur, où viol, meurtre, apostasie, vol à main armée et trafic de drogue sont passibles de la peine capitale en vertu d'une version rigoriste de la charia.
L'exécution de 38 Saoudiens ou étrangers depuis le début 2015, selon un décompte de l'AFP, est un chiffre trois fois supérieur à celui enregistré pendant la même période l'année dernière, mais les experts divergent sur les raisons de cette augmentation qui a commencé dans les derniers mois de 2014, à la fin du règne d'Abdallah.
Ce roi est mort le 23 janvier et c'est Salmane qui lui a succédé. «Cela avait commencé avant Salmane», dit une source diplomatique. «Les autorités veulent montrer qu'elles sont fermes et que les gens peuvent compter sur elles pour préserver la sécurité du royaume».
L'objectif, c'est la dissuasion, mais cette politique est peut-être aussi liée à la participation du royaume à la coalition internationale, dirigée par Washington, qui cherche à détruire le groupe jihadiste Etat islamique (EI), explique-t-elle. Une participation qui a suscité des craintes de représailles dans le royaume.
Après une attaque en novembre qui a blessé un Danois dans le royaume, les autorités ont arrêté trois Saoudiens qui ont agi selon elles «en soutien de» l'EI. Elles ont aussi rendu responsables des suspects liés à l'EI pour la mort de sept membres de la minorité chiite.
Et en janvier, trois gardes-frontières saoudiens ont été tués par des «terroristes» venus d'Irak, où l'EI occupe de larges pans de territoires surtout dans la province d'Al-Anbar frontalière de l'Arabie saoudite.
Les autorités «ne veulent pas donner l'impression qu'elles sont molles», explique Toby Matthiesen, expert de l'Arabie saoudite et chercheur à l'Université de Cambridge.
Mais il ne voit pas de lien avec la lutte contre l'EI. «Je ne pense pas» qu'en exécutant davantage de criminels, «cela effraiera» le groupe jihadiste.
L'EI, qui contrôle aussi de vastes régions en Syrie, a revendiqué ces derniers mois de nombreuses exécutions d'otages occidentaux et de membres de minorités religieuses.
Pour l'organisation de défense des droits de l'Homme basée à Londres, Amnesty international, rien ne prouve que la «hausse alarmante» des décapitations est liée à la guerre antiterroriste.
«Il serait exagéré d'affirmer qu'il s'agit d'une tentative pour dissuader la violence» politique, car près de la moitié des exécutions cette année sont liées à des affaires de drogue, explique à l'AFP Sevag Kechichian, chercheur d'Amnesty.
Selon lui, «il est impossible» de donner les raisons de l'augmentation des exécutions qui se poursuivent à un rythme «vraiment sans précédent».
Après 27 exécutions en 2010, le nombre a ensuite bondi à environ 80 annuellement. L'AFP en a recensé 87 en 2014, un chiffre parmi les plus élevés au monde.
Interrogé, le ministère saoudien de l'Intérieur s'est refusé à tout commentaire.
Mais dans des déclarations antérieures, le ministère a cité la dissuasion comme l'une des raisons. Il a aussi mis en avant «le préjudice physique et social» causé par la drogue et jugé que la peine capitale pour les meurtriers visait à «maintenir la sécurité et à rendre justice».
Les autorités sont déterminées à «appliquer la loi de Dieu contre tous ceux qui attaquent les innocents, font verser le sang et provoquent la honte», a indiqué le ministère après l'exécution le 4 février de deux Saoudiens pour le rapt et viol d'une fillette.
Des défenseurs des droits de l'Homme ont soulevé aussi des questions sur l'impartialité des processus judiciaires dans le royaume.
Christof Heyns, rapporteur spécial de l'ONU sur les exécutions arbitraires et extrajudiciaires, a affirmé en septembre que les procès étaient «vraiment injustes» et que, souvent, les accusés ne disposaient pas d'avocats. Il a aussi fait état d'aveux obtenus «sous la torture».
Amnesty a accusé les gouvernements occidentaux de rester «silencieux» sur les abus, les accusant de pratiquer une politique de «deux poids, deux mesures» avec Ryad.