Les autorités pakistanaises ont repoussé à la dernière minute l'exécution d'un jeune homme condamné à mort à l'adolescence dont le cas illustre les dérives des tribunaux antiterroristes et qui est devenu un symbole pour les opposants au retour à la peine de mort tous azimuts au Pakistan, ont annoncé des responsables à l'AFP.
Shafqat Hussain devait être pendu jeudi à 5H30 (00H30 GMT) à la prison centrale de Karachi, métropole du sud du Pakistan, mais, sur le coup de minuit, les autorités ont préféré repousser d'au moins 30 jours son exécution après de vives protestations d'organisations de défense des droits de l'Homme, de sa famille et des diplomates de l'Union européenne, selon des source officielles concordantes.
Le président pakistanais Mamnoon Hussain, qui a le pouvoir de gracier des condamnés et de surseoir à des exécutions, a ordonné le report de la pendaison, a dit à l'AFP un haut responsable de la présidence tandis que les autorités carcérales à Karachi confirmaient avoir reçu l'ordre de ne pas exécuter le jeune homme.
En 2004, Shafqat Hussain, un adolescent issu d'un village pauvre du Cachemire, avait été condamné à la peine capitale par un tribunal antiterroriste pour le meurtre d'un enfant à Karachi, où il gardait un immeuble, après avoir fait de faux aveux sous la torture selon sa famille et ses avocats qui plaident son innocence.
Malgré de nombreux recours en justice, sa peine avait été confirmée. En décembre dernier, lorsque le Pakistan avait partiellement, pour les seuls cas de terrorisme, levé son moratoire sur la peine capitale, en vigueur depuis 2008, son nom était réapparu sur la liste des premiers condamnés à devoir être pendus.
Mais après une vive réaction de diplomates, de médias et d'organisations de défense de droits l'Homme, les autorités avaient sursis à l'exécution de Shafqat Hussain pour déterminer son âge réel, établi au moment de sa condamnation à 14 ans à l'aide de son seul certificat de naissance, les lois pakistanaises interdisant la pendaison pour des crimes perpétrés par des mineurs.
Or, la semaine dernière, les autorités ont complètement mis fin au moratoire sur la peine de mort et à nouveau programmé l'exécution de Shafqat Hussain, cette fois pour le 19 mars, ce qui a donné lieu à une nouvelle campagne de mobilisation pour sauver ce jeune homme de l'échafaud, notamment de l'Union européenne (EU), le premier partenaire commercial du Pakistan.
Dans une tribune sur Shafqat Hussain publiée dans le New York Times, la romancière Fatima Bhutto, petite-fille de l'ex-Premier ministre Zulfikar Ali Bhutto, pendu en 1979 par la junte militaire, et nièce de l'ex-Première ministre Benazir Bhutto, assassinée en 2007, a ainsi appelé le Pakistan à faire preuve de «compassion» dans cette affaire et qualifié de «catastrophe morale» le retour à la peine capitale.
Depuis décembre, 48 condamnés à morts ont été exécutés au Pakistan, dont 21 mardi et mercredi. Les responsables n'ont pas précisé dans la nuit de mercredi à jeudi s'ils allaient, au cours du prochain mois, rouvrir complètement l'enquête dans le cas de Shafqat Hussain.