(Agence France-Presse) WASHINGTON - Onze ans après son exécution, Cameron Willingham, qui avait toujours clamé son innocence dans la mort de ses enfants, pourrait être formellement disculpé: une procédure a été ouverte contre un procureur accusé d'avoir manipulé un témoin clé, a-t-on appris jeudi auprès du barreau du Texas.
Le cas de ce condamné à mort fait déjà polémique depuis des années: le comité d'expertises criminelles avait en effet admis en 2010 s'être appuyé sur de mauvais critères pour conclure au caractère criminel de l'incendie dans lequel étaient mortes les trois fillettes de M. Willingham en 1991.
Cameron Willingham, exécuté en février 2004, avait toujours clamé son innocence et suggéré que l'incendie pouvait être accidentel.
Mais un témoin clé avait déclaré que M. Willingham lui avait avoué le crime. Or Johnny Webb, alors incarcéré avec M. Willingham dans une prison du Texas, vient de révéler que le procureur John Jackson avait fait pression pour qu'il témoigne en échange d'une réduction de peine.
«Je ne voulais pas voir Willingham envoyé dans le couloir de la mort et mourir pour quelque chose que je savais très bien être un mensonge et dont je n'étais pas à l'origine. J'ai menti sur lui parce que j'ai été forcé par John Jackson», a déclaré Johnny Webb, dans une interview au Marshall Project.
«J'ai cédé à la pression, je n'aurais pas dû. À la fin, on m'a dit: "Ou bien tu écopes de la prison à vie ou bien tu témoignes". Il m'a contraint à le faire», a-t-il confié à cet organisme qui milite contre la peine de mort.
La défense de Cameron Willingham n'avait jamais été informée de cet accord entre l'accusation et le témoin clé.
Le groupe Innocence Project, qui a entrepris d'obtenir la disculpation posthume du père de famille, a déposé un recours devant le barreau du Texas, arguant que le procureur Jackson avait «violé ses obligations professionnelles, éthiques et constitutionnelles».
Le barreau a alors ouvert une procédure disciplinaire le 5 mars et un juge a été désigné pour déterminer s'il y avait eu «obstruction à la justice, fausses déclarations et dissimulation de preuves favorables à la défense», selon le document dont l'AFP a eu copie.
Il s'agit de la troisième procédure disciplinaire du même type au Texas. Un juge avait été condamné à dix jours de prison en 2013 pour avoir caché des preuves de l'innocence de Michael Morton, sorti de prison après 25 ans d'incarcération.
En 2014, le barreau du Texas a ouvert une enquête contre un autre procureur dans l'affaire d'Anthony Graves, innocenté après 16 ans de prison.
Selon le décompte du Centre d'information sur la peine capitale, 150 condamnés ont été innocentés du couloir de la mort depuis 1973.