Madrid - Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a été reçu jeudi par le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy, lors d'une visite d'un jour mal accueillie par les défenseurs des droits de l'Homme qui dénoncent la répression en Egypte.
Cette visite officielle, la première d'un président égyptien en Espagne depuis 2006, intervient dans un contexte de grande inquiétude des Occidentaux face à l'instabilité politique aux frontières du géant égyptien - en Libye et au Soudan-- et au-delà, au Yemen et en Syrie. Le président égyptien en profite pour se rapprocher de pays qui lui battaient froid depuis le coup d'Etat qui l'a porté au pouvoir en 2013.
Les ministres de l'Intérieur des deux pays ont signé un accord sur le renforcement de la coopération dans la lutte contre le terrorisme, l'immigration illégale et le crime organisé, a annoncé le gouvernement espagnol.
Plusieurs mémorandum d'accord devaient par ailleurs être signés. L'un prévoit une étude pour la création d'un corridor ferroviaire à grande vitesse entre Le Caire et Louxor, d'autres portent sur la protection des biens culturels et sur le tourisme, a-t-on indiqué de source diplomatique.
M. al-Sissi, qui arrivait de Nicosie où il est convenu mercredi avec la Grèce et Chypre d'intensifier la lutte contre le terrorisme, a ensuite déjeuné avec le roi Felipe VI et la reine Letizia. Il devait enfin se rendre au Congrès (chambre basse) avant de repartir en Egypte. Aucun échange avec la presse n'était prévu.
Dans un entretien publié mercredi par le quotidien espagnol El Mundo, le président égyptien s'est posé en rempart contre le groupe Etat islamique, appelant indirectement les Européens à le soutenir car si en Egypte l'Etat s'effondre, cela causera un tort terrible à l'Europe et la région sera condamnée au désastre.
Le maréchal al-Sissi a obtenu fin mars la levée du gel des livraisons d'avions de chasse F-16 par Washington, imposé en octobre 2013 après une répression sanglante. Deux semaines plus tôt, il avait passé commande de 24 avions de combat Rafale à la France.
Ce déplacement à Madrid, membre non permanent du Conseil de sécurité jusqu'en 2016, a été accueilli avec froideur, notamment par Amnesty international qui, dans une lettre ouverte, a demandé au chef du gouvernement d'insister sur le respect des droits de l'Homme lors de la rencontre.
Depuis qu'il a destitué le président islamiste Mohamed Morsi en juillet 2013, l'ex-chef des forces armées élu président en mai 2014 est accusé par ses détracteurs d'avoir instauré un régime autoritaire.
La liberté d'expression des dissidents et journalistes est réduite, la compétence des tribunaux militaires pour juger des civils est élargie et on permet que les forces de l'ordre emploient la torture et fassent un usage excessif de la force dans l'impunité, déplore Amnesty.
L'ONG dénonce aussi les condamnations en 2014 d'au moins 509 personnes à la peine de mort et l'exécution d'au moins 15 personnes.
L'invitation de l'Espagne, a estimé Haizam Amirah Fernandez, spécialiste de l'islam politique et des relations internationales au Real Instituto Elcano, entraine un malaise. Elle est motivée par la recherche de contrats, affirme-t-il.
Et, deuxième motivation, al-Sissi se présente comme une garantie de stabilité, estime encore M. Amirah Fernandez. Mais c'est une real politik de court terme car la répression entraîne le risque de créer le ferment d'une radicalisation croissante.
Selon l'agenda officiel, M. al-Sissi a été reçu à son arrivée à l'aéroport par le ministre espagnol de l'Equipement Jose Manuel Soria et non par le ministre des Affaires étrangères Jose Manuel Garcia Margallo. Une simple question d'agenda selon son ministère qui a formellement démenti tout malaise.
C'est M. Soria qui lui avait remis l'invitation de Madrid lors de la conférence économique de Charm el-Cheikh à la mi-mars, a-t-on indiqué de source diplomatique.