DAKAR, 21 août (Xinhua) -- Des réactions divergentes ont été enregistrées au Sénégal par rapport au rétablissement de la peine de mort, abolie depuis 2004.
Suite à la recrudescence des meurtres notée ces derniers mois dans le pays, certains Sénégalais, intervenus dans la presse locale, ont soutenu que le retour de la peine de mort pourrait être la solution contre la violence.
Rien qu'au cours de ce mois d'août, cinq cas de meurtres ont été recensés en 15 jours, selon le journal privé Enquête. L'un de ces meurtres, qui a eu lieu à Thiès (à 70 km de Dakar) où un homme, sous l'emprise de la drogue, a poignardé deux jeunes mendiants et égorgé un autre, a suscité beaucoup d'indignation.
Face à la multiplication des meurtres, un député, Seydina Fall, a introduit une proposition de loi pour le rétablissement de la peine capitale.
"Nous avons plus de 50 députés qui sont prêts à voter la loi sur la peine de mort. Mon seul souci est de savoir si elle passera ou pas", s'est-il inquiété.
Sur les ondes d'une radio locale, l'avocat Abdoulaye Babou, a, de son côté, souligné que "dans certains pays s'il y a plusieurs cas de meurtres, on applique la peine de mort momentanément".
"Certains pays ont rétabli la peine de mort qui s'est avérée dissuasive", a-t-il soutenu avant d'estimer qu'"on n'en est pas encore là mais on peut au moins tirer la sonnette d'alarme parce que tout le monde est menacé au Sénégal".
Pour Me Babou, "c'est logique qu'on défende la peine capitale et les religieux musulmans diront qu'elle doit être appliquée parce que c'est ce qui est conforme au Coran".
En revanche, le président de la section sénégalaise d'Amnesty international, Seydi Gassama, a estimé que "la peine de mort n'est pas une solution. Ce qui est attendu des parlementaires, c'est de voter des lois qui permettent de s'attaquer aux causes".
"Il faut analyser les facteurs criminogènes. Ceux-ci sont presque universels. Il y a la pauvreté, la drogue et l'alcool. Tous les facteurs sont réunis dans ce pays, surtout dans certains quartiers", a-t-il expliqué.
"Il y a aussi l'application du régime sur l'acquisition et le port d'armes blanches. La plupart des meurtres le sont par armes blanches. La loi existe mais elle n'est pas appliquée", a-t-il poursuivi.
"Un Etat ne doit pas rendre justice sur la base de sentiment de vengeance ou de clameur populaire. Nous pensons qu'il y a des peines autres que la peine de mort", a estimé M. Gassama.
"Dans notre pays, il y a beaucoup d'erreurs judiciaires, des enquêtes sont menées sur la base de tortures et d'insultes. Ce qui manque au Sénégal, c'est une peine de sûreté pour que le coupable de meurtre ne puisse sortir de prison avant d'avoir purgé sa peine", a-t-il enfin souligné.
Par ailleurs, l'imam d'une mosquée de Dakar, Amadou Makhtar Kanté, a soutenu dans les colonnes de Enquête que "c'est très dangereux de prendre la peine de mort comme une panacée quand on voit les manipulations de la justice. Beaucoup de verdicts sont rendus et par la suite, on se rend compte qu'il y a eu une main derrière".
"J'ai des réserves sur l'autonomie et l'indépendance de la justice. Donner le pouvoir de tuer, ce n'est pas une petite affaire. Ceux qui n'ont pas de soutien politique ou de marabout (guide religieux musulman) sont les seuls à en pâtir", a-t-il avancé.
Il a enfin rappelé que "l'application de la peine de mort est une exception en Islam et durant les 10 ans que le Prophète a passé à Médine (Arabie Saoudite), la peine capitale ne s'est appliquée que sur deux personnes qui se sont dénoncées elles-mêmes".