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Etats-Unis: le secret à la rescousse de la peine de mort

dépêche de presse du 16 avril 2016 - Agence mondiale d'information - AFP
Pays :
peine de mort / Etats-Unis
Face à la pénurie des substances utilisées pour exécuter les condamnés à mort, certains Etats américains pensent avoir trouvé l'arme absolue, en garantissant l'anonymat aux "pharmacies" prêtes à en fournir. Mais cette stratégie est risquée, selon les experts.

Cette semaine, l'Etat de Virginie est devenu le dernier en date à s'engager sur la voie du secret pour relancer le rythme - récemment très ralenti - de ses exécutions.

Son gouverneur démocrate, Terry McAuliffe, a suggéré d'amender une future loi actuellement en discussion, en autorisant les prisons de Virginie à taire l'identité de la société qui aura livré les produits servant aux injections létales.

L'Arkansas, le Missouri et l'Ohio notamment ont adopté des mesures d'incognito similaires, avec des premiers résultats mitigés.

M. McAuliffe a présenté son idée comme un "compromis raisonnable" permettant de ne pas rendre obligatoire l'utilisation de la chaise électrique comme substitut automatique à l'injection, ainsi que le souhaitait le parlement local dominé par les républicains.

Les associations militant contre la peine de mort ont immédiatement dénoncé un débat biaisé, offrant l'alternative entre une "mort par électrocution" et une "mort par poison secret".

"La proposition du gouverneur revient à remplacer une pratique barbare (la chaise électrique) par une autre suspecte sur le plan constitutionnel (un voile d'opacité sur les exécutions)", a également réagi dans un éditorial le grand quotidien américain Washington Post.

- Chute des exécutions -

Certains élus républicains ont au contraire accueilli avec bienveillance l'amendement proposé, en y voyant une solution pour sortir de l'impasse actuelle.

La carence en "médicaments de la mort" est alimentée par le refus de firmes pharmaceutiques, pour la plupart européennes, d'approvisionner les Etats-Unis.

S'aggravant depuis plusieurs années, la pénurie a accéléré la chute des exécutions, seulement 28 en 2015, le nombre le plus bas depuis 1991.

La situation a conduit certains Etats à se tourner en catimini vers des préparateurs en pharmacie non homologués par la FDA, l'Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux. Ou encore vers des circuits clandestins à l'étranger, en violation de la loi fédérale.

Une prison a généralement besoin pour élaborer un cocktail létal de réunir trois substances, l'une endormant le prisonnier, l'autre paralysant ses muscles et la troisième arrêtant son coeur.

En pratique, rassembler ces produits en un protocole efficace et juridiquement inattaquable relève pour les Etats du parcours du combattant.

Plusieurs ont d'ailleurs procédé depuis janvier 2014 à des exécutions très critiquées, les condamnés expirant après avoir enduré une longue agonie marquée par des souffrances, suffocations, râles ou convulsions.

Le 8e amendement de la Constitution américaine bannit les "peines cruelles ou inhabituelles" et les avocats des condamnés n'hésitent pas à lancer des recours de dernière minute mettant en doute l'efficacité de tel ou tel produit, souvent avec succès.

Les nouvelles stratégies du secret offrent aux condamnés des chances supplémentaires de récuser leur exécution prévue, préviennent des experts.

Des médias peuvent ainsi exiger de connaître l'identité de la pharmacie, en se fondant sur le premier amendement sur la liberté de la presse.

"Les mesures de secret des Etats soulèvent aussi des questions sur combien elles entravent la lutte fédérale contre les préparateurs en pharmacie illégaux", souligne Robert Dunham, directeur du Centre d'information sur la peine capitale (DPIC).

- Multiplication des recours -

De fait, les recours judiciaires contre l'opacité entourant les pharmacies n'ont pas tardé.

Dans l'Arkansas (sud), où les autorités tentent de reprendre les exécutions après une décennie d'interruption, un juge a donné raison à huit condamnés qui exigeaient de savoir quels produits on allait leur injecter. La semaine dernière, la Cour suprême de l'Arkansas s'est dite prête à se saisir du dossier.

Dans l'Ohio (nord-est) et le Missouri (centre), les couloirs de la mort semblent également mener plus volontiers vers les prétoires que vers les chambres d'exécution.

Et un grand flou règne sur l'avenir, explique à l'AFP Dale Baich, un avocat spécialisé dans les peines capitales: "Difficile de prédire comment les tribunaux vont accorder leur jurisprudence. Certains ont ordonné que les informations (sur les pharmacies) soient publiées, d'autres ont maintenu le secret."

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