Nouakchott - L'accusation au procès en appel d'un blogueur mauritanien condamné à mort en décembre 2014 pour apostasie a réclamé jeudi une confirmation du verdict de première instance, à Nouadhibou, dans le nord-ouest de la Mauritanie, a appris l'AFP de source judiciaire.
Jusqu'à jeudi en fin de journée, aucun avocat de la partie civile - constituée de juristes disant agir pour défendre le prophète de l'islam - comme de l'accusé n'a pu être joint par l'AFP à Nouadhibou.
La cour d'appel est entrée en délibérations au terme des plaidoiries, a affirmé à l'AFP une source judiciaire locale.
Selon la première source judiciaire, jointe elle aussi de Nouakchott et ayant requis un strict anonymat, quatre avocats - deux Mauritaniens et deux Tunisiens - défendent bénévolement l'accusé, Cheikh Ould Mohamed Ould Mkheitir - également identifié comme Mohamed Cheikh Ould Mohamed - un trentenaire musulman.
Le procès a débuté en milieu de journée en présence de l'accusé et de ses avocats mais aussi d'un magistrat italien et d'activistes de la société civile, dont des Français, a affirmé cette source, sans fournir de noms.
M. Ould Mkheitir est détenu depuis le 2 janvier 2014 pour un article sur internet considéré comme blasphématoire envers le prophète. En première instance, la Cour criminelle de Nouadhibou l'a reconnu coupable d'apostasie et condamné à mort le 24 décembre 2014.
Les avocats de la partie civile ont demandé à la Cour la confirmation de la peine de mort prononcée en première instance, tout comme le procureur, a indiqué la première source judiciaire.
Selon elle, M. Ould Mkheitir est apparu serein, il a reconnu sa responsabilité s'agissant de l'article incriminé, dont le juge a fait lecture de certains passages en début d'audience, mais il a exprimé son repentir de tout ce qu'il a pu écrire.
La défense a insisté sur son repentir, a souligné la source judiciaire locale, précisant que la salle était pleine mais la pression sensiblement moins forte à l'audience et autour du palais de Justice qu'en première instance.
Alors qu'en Mauritanie, l'opinion semble mobilisée en faveur du verdict de première instance - l'annonce de la sentence avait été saluée par des manifestations de joie à Nouadhibou et à Nouakchott - l'organisation Amnesty International a appelé jeudi dans un communiqué à l'annulation de la condamnation du blogueur et sa libération sans condition.
La peine capitale prononcée pour avoir écrit un billet de blog critiquant ceux qui utilisent la religion à des fins de discrimination est injuste, a déclaré Gaëtan Mootoo, spécialiste de l'Afrique de l'Ouest à Amnesty International, cité dans le texte.
Pour l'ONG, Cheikh Ould Mohamed Ould Mkheitir est un prisonnier d'opinion, uniquement emprisonné pour avoir exercé de manière pacifique son droit à la liberté d'expression.
En première instance, il avait plaidé non coupable et expliqué qu'il n'avait pas l'intention de critiquer le prophète, mais de défendre une composante sociale mal considérée et maltraitée, la caste des forgerons (maalemine), dont il est lui-même issu, traditionnellement au bas de l'échelle sociale.
Ex-colonie française devenue indépendante en 1960, la Mauritanie est une République islamique où la charia (loi islamique) est officiellement en vigueur mais dont les sentences extrêmes comme les peines de mort et de flagellation ne sont plus appliquées depuis une trentaine d'années.
La peine de mort n'y est pas officiellement abolie mais la dernière exécution remonte à 1987, selon des défenseurs des droits humains. Cette affaire est le premier cas de condamnation à mort pour apostasie dans le pays.