TEHERAN - Le dissident iranien Hachem Aghajari a de nouveau défié la justice mardi après la confirmation de sa condamnation à mort, en lui laissant le soin de faire appel de ce nouveau jugement et de désavouer un de ses magistrats.
"Il m'a dit hier (lundi) qu'il refusait de faire appel et m'a interdit de le faire pour lui", a déclaré son avocat, Me Saleh Nikbakht, lors d'une conférence de presse à Téhéran.
Le même jour, l'intellectuel avait appris que le juge unique du tribunal de Hamédan (ouest) qui avait prononcé la peine capitale contre lui en novembre 2002 avait "maintenu son jugement" justifié par des faits "d'apostasie", selon une copie du texte obtenue par l'AFP.
L'autorité judiciaire nationale s'est empressée mardi de proclamer que la sentence n'était toujours pas définitive, dans le souci de prévenir une poussée de fièvre semblable à celle qu'avait provoquée le premier jugement.
"La décision définitive concernant l'accusation d'apostasie et la condamnation à mort revient à la Cour suprême et cette cour n'a pas encore donné son avis", a déclaré Gholamhossein Elham, porte-parole de l'autorité judiciaire, bastion conservateur qui a donné au cours des derniers jours différents signes d'ouverture.
Encore faut-il que la Cour suprême soit saisie. "Si M. Aghajari persiste dans son refus de faire appel, seul le chef de l'autorité judiciaire pourra utiliser ses prérogatives" pour le faire, a dit son avocat.
L'affaire Aghajari revient ainsi au même point qu'un peu plus d'un an plus tôt. L'universitaire refusait alors de faire appel, faisant valoir que c'était à la justice de régler la crise qu'elle avait créée. La justice avait résisté jusqu'au bout, malgré les ordres de révision du jugement donnés par le Guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei.
C'est Me Nikbakht qui était passé outre aux instructions de son client et avait fait appel à la dernière minute, avant que le jugement ne devienne définitif.
Devenu depuis une figure emblématique, l'universitaire Aghajari a été condamné en 2002 à huit ans de prison et à la peine de mort, malgré sa stature de révolutionnaire et de combattant de la guerre Iran-Irak (1980-1988).
Pour le juge, il avait remis en cause les fondements de la religion et de la République islamique en plaidant en public en faveur d'une sorte de protestantisme de l'islam et en affirmant que les musulmans n'étaient pas des "singes" pour "suivre aveuglément un chef religieux".
Cette sentence avait provoqué une grave crise politique, mobilisant contre elle jusque dans les rangs conservateurs et braquant surtout les étudiants.
La condamnation avait été cassée par la Cour suprême. La peine d'emprisonnement avait ensuite été ramenée en appel à quatre ans, avant que Hachem Aghajari ne bénéficie d'une grâce pour cette partie des faits.
Mais l'accusation d'apostasie et la peine capitale restaient en suspens, et cette partie du dossier avait été renvoyée devant le juge de Hamédan.
Le nouveau jugement de ce dernier doit à présent être "transmis à trois juges" de la Cour suprême, a déclaré M. Elham, en soulignant qu'il s'agirait de magistrats "expérimentés".
Avant l'annonce de la confirmation de la condamnation à mort, le président réformateur Mohammad Khatami s'était ému lundi qu'un "tel savant" soit condamné par un juge "inexpérimenté".
Cependant, a révélé Me Nikbakht, la Cour suprême a entre-temps cassé la décision de ramener la peine d'emprisonnement de huit à quatre ans. Selon son avocat, la Cour suprême doit aussi statuer sur ce point.
"Dans quel pays du monde joue-t-on de la sorte avec la vie d'un prisonnier et les sentiments de sa famille", a protesté sa femme, Zahra Behnoudi.
Le bureau du prix Nobel de la paix Shirin Ebadi a jugé "inacceptable de condamner à mort quelqu'un simplement parce qu'il a exprimé un avis".
Hachem Aghajari reste détenu dans la prison d'Evine à Téhéran.