Islamabad - Le Pakistan, secoué le week-end dernier par un nouveau crime dit d'honneur contre une célèbre starlette, s'apprête à revoir et durcir sa législation contre ces meurtres et contre les viols, a indiqué jeudi un ministre.
Un comité composé de membres des deux chambres du Parlement a adopté à l'unanimité le même jour des amendements aux lois existantes contre les crimes d'honneur et les viols, qui pourraient être votés dans les prochaines semaines. Nous avons comblé toutes les lacunes dans la législation anticrimes d'honneur, qui sera soumise au vote lors d'une séance conjointe du Parlement bientôt, a déclaré le ministre de la Justice Zahid Hamid, qui présidait ce comité.
Le parti du Premier ministre Nawaz Sharif, le PML-N, dispose d'une large majorité à la chambre basse du Parlement, et les textes semblent disposer de suffisamment de soutien de la part des partis d'opposition pour emporter aussi le feu vert du Sénat.
Des centaines de femmes sont tuées chaque année au Pakistan par des proches sous prétexte qu'elles auraient bafoué l'honneur familial.
Une disposition controversée du droit islamique en vigueur au Pakistan prévoit que les hommes tuant des femmes de leur famille peuvent échapper à toute condamnation si les proches leur pardonnent en échange du versement d'une somme compensatoire.
Ce trou noir législatif est fréquemment dénoncé dans le pays et accusé d'encourager ces crimes.
Le débat a été relancé cette semaine après le meurtre vendredi dernier d'une jeune starlette en vogue sur les réseaux sociaux, Qandeel Baloch, étranglée par son frère, qui a déclaré avoir agi au nom de l'honneur de la famille.
Selon M. Hamid, la nouvelle loi ne permettrait aux proches de la victime de pardonner son agresseur qu'en cas de condamnation à la peine capitale, mais ce dernier devrait quoiqu'il arrive purger douze ans et demi de prison.
Quant au projet de loi sur le viol, il contient pour la première fois une disposition sur la conduite de tests ADN sur la victime présumée et sur l'agresseur, a-t-il dit. Le viol de mineurs, ainsi que celui d'handicapés mentaux ou physiques, serait passible de la peine de mort.
Sughra Imam, une ancienne sénatrice d'opposition à l'origine des amendements initiaux, a estimé qu'aucune loi n'éradiquera entièrement un crime, mais la loi devrait être dissuasive. Les lois sont faites pour inciter à un meilleur comportement.
L'ONG Amnesty International avait appelé cette semaine le Pakistan à mettre un terme à l'impunité, citant des chiffres montrant une forte augmentation du nombre de cas de crimes d'honneur au cours des trois dernières années.
Human Rights Watch (HRW) a de son côté salué le projet d'amendement, tout en notant que des écueils l'attendent en raison de la résistance des milieux islamistes conservateurs. La mort de Qandeel Baloch pourrait s'avérer un tournant. Si la loi est totalement réformée, cela sera la fin d'un système dans lequel la vie d'une femme peut être vue comme sans valeur dans le système juridique pakistanais, note-t-elle.
Cela serait un mémorial approprié pour une femme courageuse qui a défié les conventions de son pays et a perdu la vie en conséquence, conclut HRW.