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Iran: la justice casse la condamnation à mort d'Aghajari

dépêche de presse du 1 juin 2004 - Agence mondiale d'information - AFP
Pays :
peine de mort / Iran
La justice iranienne a de nouveau cassé la condamnation à mort prononcée pour apostasie contre le dissident Hachem Aghajari, confirmant sa volonté d'éviter les tensions qui sévissaient il y a quelques mois quand les réformateurs étaient majoritaires.

"Je confirme l'information donnée lundi par certains médias selon laquelle la Cour suprême a cassé la peine de mort contre M. Aghajari", a déclaré le porte-parole de la justice, Gholamhossein Elham, cité mardi par l'agence estudiantine Isna.

L'intellectuel et universitaire Hachem Aghajari a été condamné en 2002 à la peine capitale, malgré sa stature de combattant de la première heure de la Révolution islamique et de vétéran de la guerre Iran-Irak (1980-1988). Selon le juge, il a remis en cause les fondements de la religion et de la République islamique en plaidant en public pour une sorte de protestantisme de l'islam et en affirmant que les musulmans n'étaient pas des "singes" pour "suivre aveuglément un chef religieux".

Cette sentence avait alors soulevé une vive protestation. Les étudiants avaient manifesté plusieurs jours. Dans une période de forte crispation entre réformateurs et conservateurs, maîtres de la justice, le verdict avait cristallisé une contestation politique plus générale qui, allant s'amplifiant, avait poussé le Guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, à intervenir. Tout en menaçant de recourir à la "force du peuple" contre la protestation, il avait demandé la révision de la sentence. La justice s'était pliée de mauvais gré. Elle avait défendu le magistrat de Hamédan (ouest) qui avait jugé M. Aghajari et avait refusé d'interjeter appel, laissant ce soin à l'avocat du dissident.

La Cour suprême n'en a pas moins cassé la sentence en 2003. Mais l'affaire a été renvoyée devant le même juge. Celui-ci a maintenu son châtiment début mai. Le Guide a de nouveau demandé la révision. L'ayatollah Khamenei estime que Hachem Aghajari ne s'était pas rendu coupable d'apostasie et ne méritait donc pas la mort, a expliqué il y a deux semaines le chef adjoint de l'autorité judiciaire, Abdolreza Izadpanah. La justice, cette fois, s'est employée à apaiser les esprits en signifiant rapidement que la peine n'était toujours pas définitive et qu'il appartenait à la Cour suprême de se prononcer.

La Cour suprême n'a pris qu'un mois pour déjuger le magistrat de Hamédan. Interrogé, l'avocat de Hachem Aghajari, Me Saleh Nikhbakht, a indiqué que la décision de la Cour suprême ne lui avait pas été notifiée. Mais selon M. Elham, cité par l'agence Fars, proche de la justice, le magistrat de Hamédan n'a pas procédé au complément d'enquête ni pallié les "manquements" de son premier jugement, comme la Cour le réclamait. La Cour suprême l'a donc dessaisi pour envoyer le dossier à Téhéran "où il sera examiné sur le fond", a-t-il dit.

Entre fin 2002 et début 2004, les données politiques ont changé. Les conservateurs ont repris aux réformateurs quasiment tous les pouvoirs à la faveur des législatives de février. "La justice n'a plus besoin aujourd'hui de harceler les réformateurs comme il y a quelques mois pour les empêcher de mener à bien leur politique, elle veut au contraire apaiser le climat politique et montrer qu'elle sert les intérêts des gens", dit un observateur de haut rang sous couvert de l'anonymat. La justice, qui a arrêté ces dernières années des dizaines de journalistes, d'opposants et d'étudiants et fermer plus de cent journaux, vient ainsi d'inspirer une nouvelle loi contre la torture et pour le respect des droits fondamentaux.

Les défenseurs des droits de l'Homme continuent cependant à dénoncer les arrestations arbitraires et les restrictions aux libertés. Pour l'instant, M. Aghajari est toujours détenu à la prison Evine de Téhéran. Selon son avocat, il faudrait que la justice accepte de transformer son mandat d'arrêt en caution pour qu'il soit libéré.
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