(Agence France-Presse) Washington - Donald Trump a annoncé mardi soir la nomination du juge conservateur Neil Gorsuch, 49 ans, au neuvième siège vacant de la Cour suprême des États-Unis, une décision lourde de conséquences pour l'évolution de la société américaine.
Cet choix, immédiatement loué par les républicains et critiqué par les démocrates, arrime la vénérable institution à droite, possiblement le temps d'une génération, au grand soulagement des religieux traditionalistes, des militants des armes à feu, ou encore des partisans de la peine de mort.
«Le juge Gorsuch a des capacités juridiques extraordinaires, un esprit brillant, une discipline remarquable», a déclaré Donald Trump depuis les salons de la Maison-Blanche, en présence des principaux ténors républicains et de ses fils Eric et Donald Jr, assis au premier rang.
«J'ai toujours pensé que, après la défense de notre pays, la décision la plus importante décision qu'un président des États-Unis pouvait prendre était la nomination d'un juge à la Cour suprême», a-t-il ajouté.
Le suspense avait été savamment entretenu jusqu'à la dernière minute par l'exécutif américain, visiblement désireux d'éloigner les projecteurs médiatiques du décret sur la fermeture partielle des frontières, qui a provoqué un véritable tollé à travers le monde.
Gardienne de la Constitution, la haute cour tranche les grands débats de la société américaine. Chacun de ses membres est nommé à vie par le président en exercice, puis confirmé par un vote du Sénat.
Neil Gorsuch, dont les premières prises de position vont désormais être passées au crible par les élus du Sénat, s'est engagé à être un «fidèle serviteur» de la Constitution américaine.
Accompagné de sa femme, Louise, ce magistrat passé par Columbia, la Harvard Law School et Oxford, a rendu un hommage appuyé au juge Antonin Scalia, «un lion de la loi».
Décédé en février 2016, le juge Scalia, dont le siège était resté vacant, fut pendant trois décennies le pilier de la droite conservatrice à la Cour suprême.
Neil Gorsuch a aussi insisté sur le fait qu'il appartenait aux juges «d'appliquer, non pas d'altérer», le travail des représentants du peuple.
«Un juge qui aime toutes les décisions qu'il prend est très probablement un mauvais juge, car il opte pour les orientations qu'il préfère plutôt que pour ce que la loi exige», a-t-il ajouté sous les rires.
Magistrat reconnu pour sa rigueur intellectuelle qui a connu une ascension rapide, Neil Gorsuch, magistrat à la cour d'appel fédérale de Denver (Colorado), deviendra, s'il est confirmé par le Sénat, le plus jeune juge nommé à la Cour suprême en un quart de siècle.
«Des millions d'électeurs ont dit que c'était le sujet le plus important pour eux lorsqu'ils m'ont élu», a souligné Donald Trump. «Je suis un homme de parole».
Cela fait presque un an que le Temple du droit, sur la colline du Capitole, n'a que huit juges au lieu de neuf. Avec quatre magistrats conservateurs et quatre progressistes, la plus haute instance judiciaire américaine fonctionne, mais est menacée de blocage.
Son collège normal de neuf juges était tombé à huit en février 2016 après le décès d'Antonin Scalia à l'âge de 79 ans.
Le prédécesseur démocrate de Donald Trump, Barack Obama, avait proposé le magistrat progressiste modéré Merrick Garland en mars pour le remplacer.
Mais le Sénat, dominé par les républicains, a refusé de l'auditionner.
Cette politique d'obstruction, critiquée, car sabotant le jeu normal des institutions, a donc fini par payer pour les républicains.
Mais à Washington, les républicains peuvent s'attendre à un retour de bâton du camp des démocrates.
Le chef des sénateurs démocrates, Chuck Schumer, a estimé qu'il appartenait désormais au juge Gorsuch de démontrer qu'il était prêt «à défendre vigoureusement la Constitution contre les abus du pouvoir exécutif»
«Étant donné son passé, j'ai de sérieux doutes», a-t-il ajouté, jugeant qu'il avait démontré une «hostilité envers le droit des femmes» et «une approche idéologique» de la jurisprudence.
Le processus devrait, en tout état de cause, durer plusieurs mois.
Le porte-parole de Donald Trump a par avance dénoncé lundi une tactique des démocrates consistant à «traîner les pieds» et «faire un jeu politicien».
«Le président a le droit que les personnes qu'il nomme soient auditionnées», a affirmé Sean Spicer, apparemment oublieux du fait que M. Trump affirmait précisément le contraire après la nomination du juge Garland par Barack Obama.
Les républicains contrôlent 52 sièges du Sénat, mais auront besoin de 60 votes pour adouber le magistrat choisi par Donald Trump.
Étant donné l'âge avancé de certains des juges actuels de la Cour suprême, Donald Trump pourrait être amené à remplacer durant son mandat d'autres membres de l'institution.
Lors d'un débat présidentiel, il avait affirmé qu'avec les juges qu'il nommerait, la Cour suprême pourrait à terme «automatiquement» annuler «Roe v. Wade», l'arrêt emblématique par lequel elle a reconnu en 1973 le droit des femmes à l'avortement.