L'Indonésie est ouverte à un moratoire sur la peine de mort si la population y est favorable, a déclaré le président Joko Widodo dans une interview exclusive à l'AFP, à la veille de la visite à Jakarta du président français François Hollande.
Dix-huit condamnés à mort pour trafic de drogue, en majorité des ressortissants étrangers, ont été exécutés dans l'archipel d'Asie du Sud-Est depuis l'arrivée au pouvoir fin 2014 de M. Widodo, et des dizaines d'autres sont dans le couloir de la mort, parmi lesquels le Français Serge Atlaoui.
Interrogé lundi par l'AFP sur la possibilité de réintroduire un moratoire adopté par son prédécesseur, de 2009 à 2013, M. Widodo s'est déclaré favorable à cette hypothèse, en général un premier pas vers l'abolition de la peine capitale, à condition d'avoir le soutien de la population.
"Pourquoi pas. Mais il faut que je consulte la population. Si elle dit oui, je commencerai à préparer (les démarches requises, ndlr), mais si mon peuple dit non, ce sera difficile pour moi", a déclaré Joko Widodo, sans dévoiler ses intentions.
Il a cité un sondage réalisé en 2015, dans lequel 85% des personnes interrogées se déclaraient favorables à la peine capitale pour les condamnés à mort pour trafic de drogue, soulignant que l'approbation du Parlement était nécessaire pour une abolition.
Ces déclarations interviennent alors que plusieurs ONG internationales et indonésiennes ont remis un rapport au Conseil des droits de l'Homme des Nations unies, dénonçant l'insistance de Jakarta à recourir à la peine capitale dans un pays dont le système judiciaire est notoirement corrompu et où des condamnés sont privés de certains droits comme l'accès à une aide juridique ou un interprète, selon le quotidien Jakarta Post.
Le président Widodo a par ailleurs indiqué que la France était un "partenaire important pour l'Indonésie".
"Je pense que la visite du président Hollande va renforcer notre coopération, notre relation, pas seulement dans le domaine économique, mais aussi dans les enjeux internationaux", a-t-il observé.
Les échanges commerciaux entre les deux pays, qui se sont élevés à 3,9 milliards d'euros en 2016, sont "trop faibles", a estimé le président, surnommé Jokowi, ajoutant que son pays était à la recherche d'investisseurs dans de nombreux domaines, afin de développer les infrastructures de ce pays émergent de 255 millions d'habitants.
"Nous voulons développer l'industrie de la défense et je pense que la France va être un partenaire important dans ce domaine", a dit M. Jokowi, interrogé sur le Rafale, l'avion de chasse de Dassault Aviation dont deux exemplaires avaient survolé le ciel indonésien lors d'un vol de démonstration en 2015, compte tenu de l'intérêt exprimé par Jakarta.
A l'occasion de la visite de M. Hollande, des accords devraient être signés notamment en matière de défense, de partenariat maritime, d'économie créative et de développement urbain durable.
Le président du pays musulman le plus peuplé au monde à aussi mis l'accent sur la nécessité d'approfondir la coopération bilatérale dans la lutte contre le radicalisme religieux, un problème auquel Paris et Jakarta sont confrontés.
"Nous pourrions coopérer davantage dans l'échange d'informations, nous pourrions apprendre les uns des autres, en particulier dans la lutte contre le terrorisme. Il est aussi important d'entretenir un dialogue au sein de la société civile, dans les deux pays, de façon à mieux comprendre les défis auxquels nous sommes confrontés", a-t-il dit.
Concernant l'intolérance religieuse qui s'est accrue ces dernières années avec une forte hausse des attaques visant les minorités dans l'archipel, notamment les chrétiens, ainsi que l'influence croissante des islamistes radicaux et conservateurs musulmans, M. Jokowi a minimisé les problèmes, affirmant que l'Indonésie était "l'un des pays les plus tolérants au monde" et "assez conservateur" dans ses valeurs.