GENÈVE (30 mars 2017) – Un groupe d'experts des droits de l'homme des Nations Unies* appelle le gouvernement des Émirats arabes unis à renoncer à l'exécution d'une femme reconnue coupable d'avoir tué son employeur et condamnée à mort à l'issue d'un procès qui ne répondait pas aux normes internationales.
Jennifer Dalquez, une Philippine âgée de 30 ans, était employée comme travailleuse domestique à Abou Dhabi lorsqu'elle a déclaré que son employeur avait tenté de la violer sous la menace d'un couteau, le 14 décembre 2014. Mère de deux enfants, Mme Dalquez affirme s'être défendue et avoir blessé à mort son agresseur dans la lutte qui s'est ensuivie.
Après son procès en mai 2015, elle a été reconnue coupable du meurtre de son employeur et condamnée à mort, bien qu'ayant plaidé la légitime défense. Une audience devant la Cour d'appel, initialement prévue le 27 mars de cette année, a été repoussée au 12 avril car l'un des enfants de la victime ne s'est pas présenté à l'audience.
Les experts ont de sérieux doutes quant à la condamnation et la peine de mort prononcées à l'encontre de Mme Dalquez, suite à des procédures judiciaires qui ne semblent pas avoir respecté les garanties les plus élevées d'un procès équitable et d'une procédure régulière et ils préviennent qu'une peine de mort appliquée dans ces conditions constituerait une exécution arbitraire.
Ils sont très préoccupés par le fait que, dans le cadre des procédures judiciaires, Mme Dalquez n'aurait pas eu la possibilité de faire entendre ni valoir son argument de légitime défense, qu'elle a été condamnée à mort sur la seule base des déclarations des membres de la famille de la victime et que, même lors de la procédure de recours, elle n'a pas eu la possibilité d'être entendue ni de présenter sa défense.
«Le traitement discriminatoire par les cours pénales, notamment de migrantes qui ne bénéficient pas de services d'interprétation ni d'une aide juridique de qualité, conduit à des peines excessivement sévères et semble constituer un problème récurrent aux Émirats arabes unis,» ont fait remarquer les experts.
«Les migrantes employées comme travailleuses domestiques sont une cible facile pour la violence sexiste, notamment la violence sexuelle, les coups, les menaces et les sévices psychologiques perpétrés en toute impunité,» ont-ils ajouté.
«Il incombe aux gouvernements de prévenir ces violences, d'en punir les auteurs et de protéger les travailleurs domestiques migrants face à la discrimination et aux mauvais traitements,» ont souligné les experts.
(*) Les experts: M. François Crépeau, Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des migrants; Mme Agnes Callamard, Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires; Mme Dubravka Šimonović, Rapporteuse spéciale sur la violence à l'égard des femmes,ses causes et ses conséquences; le Groupe de travail des Nations Unies sur la question de la discrimination à l'égard des femmes dans la législation et dans la pratique: Alda Facio, Kamala Chandrakirana, Frances Raday, Eleonora Zielinska, Emna Aouij.
Les Rapporteurs spéciaux relèvent de ce qu'on appelle les Procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies. Les Procédures spéciales, le plus grand corps d'experts indépendants du système des droits de l'homme de l'ONU, est le terme généralement attribué aux mécanismes indépendants d'enquête et de surveillance qui s'occupent de la situation spécifique d'un pays ou de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent bénévolement; ils n'appartiennent pas au personnel de l'ONU et ne perçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou de toute organisation et siègent à titre personnel.