GENEVE (3 août 2017) – Une experte des droits de l'homme des Nations Unies s'adresse au gouvernement des Maldives, l'exhortant de ne pas revenir sur le moratoire de fait concernant la peine de mort, qui est en place depuis plus de 60 ans.
La Rapporteuse spéciale Agnès Callamard est intervenue suite à l'avertissement lancé par un haut représentant du gouvernement le 28 juillet dernier, faisant part de probables exécutions au cours des jours à venir.
" La reprise des exécutions aux Maldives après plus de 60 ans serait un sérieux revers pour le pays et pour toute la région, et irait à l'encontre des tendances internationales en faveur de l'abolition de la peine capitale, " a déclaré la Rapporteuse spéciale.
" Les Maldives devraient plutôt jouer un rôle de chef de file dans la promotion et la protection des droits de l'homme, et avancer vers l'abolition officielle de la peine de mort. "
Vingt prisonniers – dont au moins cinq mineurs délinquants – ont été condamnés à mort dans le pays.
Trois hommes reconnus coupables de meurtre seraient sur le point d'être exécutés: M. Hussain Humaam Ahmed, M. Ahmed Murrath et M. Mohamed Nabeel. Tous trois ont vu leur condamnation confirmée par la Cour suprême, malgré les préoccupations soulevées quant au bénéfice d'un procès équitable.
" Le gouvernement doit stopper l'exécution de ces trois hommes. La peine de mort représente la forme de punition la plus grave et un châtiment irréversible. Les États ont l'obligation d'éviter les erreurs judiciaires. L'application de la peine de mort au terme de procédures judiciaires entachées d'irrégularités équivaut à des exécutions arbitraires violant manifestement le droit humanitaire international, " a déclaré Mme Callamard.
Les trois hommes ont épuisé tous les recours judiciaires et ne peuvent former un recours en grâce ou demander une commutation de peine du fait d'une modification récente de la législation.
" Les Maldives sont tenues de respecter le droit international, " a souligné l'experte des droits de l'homme. Le pays doit non seulement garantir des procès équitables mais aussi respecter le droit de toute personne condamnée à mort de demander la grâce ou la commutation de sa peine ; par ailleurs, les Maldives doivent s'abstenir d'imposer la peine capitale pour toute personne âgée de moins de 18 ans au moment du crime, pour les femmes enceintes ou les jeunes mères, ou encore pour les personnes ayant développé des troubles mentaux. "
Le ministre de l'Intérieur Azleen Ahmed a déclaré le 28 juillet que les exécutions auraient lieu dans les prochains jours, soit cinq mois après avoir annoncé la construction de deux salles d'exécution dans le pays. Le Président Abdulla Yameen avait également annoncé le 23 avril que les exécutions seraient menées au cours des mois à venir.
La Rapporteuse spéciale a sollicité auprès des autorités maldiviennes des éclaircissements sur toutes ces questions.
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Mme Agnès Callamard (France) est la Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires. Elle poursuit une carrière internationale remarquable dans le domaine des droits de l'homme et l'action humanitaire. Mme Callamard dirige Columbia Global Freedom of Expression à l'université de Columbia et travaillait auparavant aux côtés d'Article 19 et d'Amnesty International. Elle a exercé comme consultante pour des organisations multilatérales et des gouvernements du monde entier, elle a mené des enquêtes sur les droits de l'homme dans plus de 30 pays et a publié de nombreux articles sur les droits de l'homme et les domaines connexes.
Les Rapporteurs spéciaux font partie de ce que l'on nomme les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme. Le terme " procédures spéciales ", qui désigne le plus grand corps d'experts indépendants au sein du système onusien des droits de l'homme, est généralement attribué aux mécanismes indépendants d'enquête et de supervision mis en place par le Conseil des droits de l'homme afin de traiter de la situation spécifique d'un pays ou de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent bénévolement; ils n'appartiennent pas au personnel de l'ONU et ne perçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou de toute organisation et siègent à titre personnel.