BAGDAD - Saddam Hussein et onze de ses proches sont passés mercredi sous le contrôle légal des nouvelles autorités irakiennes, au moment où le président Ghazi al-Yaouar annonçait le rétablissement de la peine de mort, suspendue après la chute de l'ancien régime.
C'est à 06h15 GMT exactement que l'ancien président, capturé en décembre 2003 par les troupes américaines, et onze dignitaires de son régime, dont l'ancien vice-Premier ministre Tarek Aziz, ont été placés sous la responsabilité irakienne, tout en restant sous la garde de la Force multinationale commandée par les Etats-Unis.
Cette opération enclenche la procédure devant mener au jugement des douze hommes par le Tribunal spécial irakien (TSI).
Le ministre de la Justice, Malek Dohane al-Hassan, a assuré que l'ancien président serait condamné à mort s'il était reconnu coupable des crimes "gravissimes" dont il est accusé.
Le Premier ministre Iyad Allaoui a affirmé que la justice irakienne disposait d'"énormes quantités de documents accusant ", et que "des organisations internationales ont promis de fournir des documents supplémentaires".
M. Yaouar a annoncé de son côté que l'exécutif de Bagdad, en place depuis le transfert anticipé du pouvoir lundi, avait approuvé le rétablissement de la peine capitale, suspendue par les forces américaines après la chute du régime de Saddam Hussein.
Lors de la capture de Saddam Hussein, l'Onu et l'Union européenne avaient exprimé leur hostilité au rétablissement de cette peine. La France a réaffirmé mercredi qu'elle est opposée à la peine capitale "en toutes circonstances".
Jeudi, l'ex-dictateur et les onze dignitaires de son régime doivent être mis en accusation par le TSI. Mercredi, "Saddam Hussein et les onze autres individus recevront sur leur lieu de détention une lettre (du TSI) détaillant les accusations et un mandat d'arrêt. Demain (jeudi), ils seront conduits sous bonne escorte, et le juge leur lira la mise en accusation, selon le code de procédure pénale irakien", a expliqué le porte-parole du gouvernement, Girgis Saada.
"Les accusations contre Saddam Hussein sont multiples et portent notamment sur les fosses communes, les disparus, les attaques contre les Kurdes, la corruption, et les plaintes de personnes contre lui", a-t-il ajouté, en estimant que l'instruction "prendra des mois".
Selon le responsable du TSI, Salem Chalabi, Saddam Hussein était "nerveux" parce qu'il "ne comprenait pas ce qui se passait" lorsqu'il a appris qu'il était remis aux autorités irakiennes
"C'était une expérience surréaliste. Nous avons d'abord vu Saddam Hussein, et il a perdu du poids. Ce n'est plus la grande figure que l'on pouvait voir à la télévision", a raconté M. Chalabi à la télévision américaine ABC. Il a précisé que "l'ensemble de la procédure a duré peut-être trois à quatre minutes".
La Cour européenne des droits de l'homme a par ailleurs débouté l'ancien président d'une requête qui visait à empêcher son transfert sous le contrôle du gouvernement provisoire irakien.
Pour la première fois depuis le transfert de souveraineté, un attentat à la voiture piégée a fait trois blessés mercredi à Samawa, ville du sud de l'Irak où est déployé un contingent japonais.
A Bagdad, onze soldats américains ont été blessés dans une attaque au mortier contre une base militaire près de l'aéroport, tandis qu'un religieux sunnite a été blessé par balle à Mossoul, dans le nord.
A Najaf, ville sainte chiite au sud de Bagdad, un couvre-feu a été imposé entre 20h30 et 06h30, afin de maintenir la sécurité.
L'armée américaine a confirmé mercredi l'enlèvement d'un Marine d'origine libanaise, Wassef Ali Hassoun, porté disparu le 21 juin et menacé de décapitation par ses ravisseurs dans des images diffusées par la chaîne arabe Al-Jazira.
L'ancien administrateur civil américain en Irak Paul Bremer a reconnu sur la chaîne ABC être délivré d'un "lourd fardeau", mais a souligné que son principal regret était de ne pas avoir réussi à mieux assurer la sécurité en Irak.
L'armée de terre américaine a annoncé mercredi qu'elle s'apprêtait à rappeler 5.600 anciens soldats pour des déploiements en Irak et en Afghanistan, une mesure qui souligne à quel point cette armée, lourdement sollicitée, connaît des difficultés pour faire face à l'ensemble de ses missions.
Au lendemain du sommet de l'Otan à Istanbul, où l'Alliance atlantique a décidé d'apporter son aide à la formation des forces de sécurité en Irak, le Premier ministre britannique Tony Blair a dit craindre que la réponse apportée par la communauté internationale face au terrorisme "ne soit pas suffisante", mais a insisté sur le fait que "la bataille doit être menée aujourd'hui en Irak et en Afghanistan".
Alors que des divergences persistantes entre les présidents américain George W. Bush et français Jacques Chirac sont apparues au grand jour à Istanbul, M. Blair a assuré que la Grande-Bretagne "continuera à travailler avec la France", notamment sur l'implication de l'Otan en Irak et en Afghanistan.
Le Japon s'apprête de son côté à accueillir en octobre la quatrième conférence des donateurs pour l'Irak. Lors de la première réunion consacrée à la reconstruction irakienne, à Madrid en octobre 2003, le Japon s'était engagé à fournir une assistance de cinq milliards de dollars sur quatre ans, sur un total de 33 milliards promis par l'ensemble des donateurs.
Le gouvernement mauritanien a "salué le transfert de la souveraineté aux Irakiens" et indiqué qu'il "ouvre la voie au retour des relations diplomatiques entre la Mauritanie et l'Irak".
A Washington, le drapeau irakien à bande noire et rouge, avec étoile verte, a été hissé mercredi devant l'ambassade d'Irak par l'ambassadrice Rend Rahim.