La ministre des Armées Florence Parly confirme la volonté du gouvernement de laisser les autorités locales en Irak et en Syrie juger les jihadistes français du groupe Etat islamique arrêtés sur place, dans un entretien à paraître lundi dans Libération.
"Dans l'examen des situations, l'intérêt de l'autorité judiciaire française est pris en compte. Mais beaucoup de ces personnes détenues sur ces théâtres continuent d'affirmer leur volonté de rentrer pour poursuivre le combat en France. Aussi, le souhait légitime des autorités locales de juger les crimes commis sur leur territoire ne saurait être négligé", déclare-t-elle au quotidien.
D'après une source française proche du dossier, une quarantaine de jihadistes français adultes, autant d'hommes que de femmes, accompagnés d'une vingtaine d'enfants, ont été arrêtés en Syrie et Irak, dont la grande majorité par les forces kurdes en Syrie.
"Pour la Syrie, la situation est complexe car nous n'avons pas de relations diplomatiques avec ce pays (...) Dans la partie tenue par les Kurdes, les autorités locales se prononceront sur la responsabilité éventuelle des ressortissants français concernant les crimes ou délits commis sur ce territoire", affirme la ministre.
En Irak, "la situation est plus simple : c'est un Etat qui dispose d'institutions et avec lequel nous avons d'étroites relations", dit-elle.
Quid de l'existence de la peine de mort en Irak? "La France est par principe opposée à la peine de mort. Dans le monde entier, des ressortissants français, qui ne sont pas des terroristes, risquent la peine capitale s'ils commettent des crimes dans les pays où ils se trouvent et qui l'appliquent. Le réseau diplomatique leur porte l'assistance due à tout citoyen français, mais chaque pays a des règles", rétorque Florence Parly.
Ses propos font écho à ceux de la ministre de la Justice Nicole Belloubet, qui affirmait début janvier que la France n'irait "pas nécessairement chercher" les jihadistes français détenus en Syrie ou en Irak et qui demandent à être rapatriés pour être jugés.
"Au Levant, de 500 à 600 personnes sont présentes, 300 environ seraient décédées", selon Mme Parly, qui évoque "moins de 20" cas de retours en France "en 2017".
Par ailleurs, Paris n'observe "pas de basculement massif vers d'autres pays" de jihadistes français partis combattre en Irak ou en Syrie, "mais il ne faut pas exclure des fuites individuelles", souligne-t-elle.
"Pour les enfants, certaines femmes arrêtées ont demandé qu'ils soient rapatriés en France. Une cinquantaine d'enfants sont déjà rentrés, dont la moitié ont moins de 5 ans. Tous sont pris en charge par la justice et placés dans des familles d'accueil ou chez des proches", précise la ministre.
Au Levant, après les écrasantes défaites militaires infligées à l'EI par une coalition internationale emmenée par les Etats-Unis, la France mobilise encore quelque 1.200 hommes mais "va faire évoluer son dispositif".
Paris a déjà rapatrié deux Rafale de la région (mais en conserve dix au total basés en Jordanie et aux Émirats arabes unis, ndlr) et "d'autres ajustements interviendront en 2018, l'objectif étant de revoir à la baisse notre dispositif", baptisé "Chammal", rappelle Mme Parly.
De source militaire, la France va prochainement retirer son artillerie d'Irak.
Mais en parallèle, "nous sommes à la disposition des autorités irakiennes pour poursuivre, voire amplifier, la formation que nous leur accordons. Nous souhaitons basculer d'une logique d'intervention militaire à un objectif de stabilisation politique", souligne-t-elle. "Il ne s'agit pas uniquement de terminer les combats, il faut gagner la paix".