Une Allemande a été condamnée à mort dimanche en Irak pour avoir rejoint le groupe Etat islamique (EI), une première dans ce pays où des centaines de jihadistes étrangers attendent en prison leur procès après la défaite militaire de leur organisation.
En décembre, les autorités irakiennes ont proclamé la victoire militaire contre l'EI, qui avait fait trembler l'Irak pendant trois ans après s'être emparé du tiers du territoire.
Elles n'ont jamais indiqué officiellement le nombre de jihadistes faits prisonniers pendant la contre-offensive pour chasser l'EI des centres urbains. Mais selon des commandants irakiens et kurdes, des centaines de jihadistes se seraient rendus, des milliers d'autres seraient parvenus à se faufiler parmi les déplacés ou à rester sur place en retournant à la "vie civile".
Dimanche, la Cour pénale centrale de Bagdad, chargée notamment des affaires de terrorisme, a condamné à la pendaison cette ressortissante allemande d'origine marocaine, dont l'identité n'a pas été précisée.
Elle a été reconnue coupable de "soutien logistique et d'aide à une organisation terroriste pour commettre des crimes", a précisé dans un communiqué le juge Abdel Settar Bayraqdar, porte-parole de la cour.
C'est la première fois que la justice irakienne prononce la peine capitale à l'encontre d'une femme européenne.
L'Allemande a 30 jours pour faire appel et après cette période, elle pourra être exécutée, a expliqué à l'AFP Ezzedine al-Mohammadi, chercheur en matière juridique et pénale.
- Russe, Suédois, Allemands -
"L'accusée a reconnu lors des interrogatoires avoir quitté l'Allemagne pour la Syrie puis l'Irak pour rejoindre l'EI, avec ses deux filles qui ont épousé des membres de l'organisation terroriste", a indiqué le porte-parole de la cour.
Une source judiciaire a indiqué à l'AFP qu'une des deux filles avait été tuée alors qu'elle se trouvait avec l'EI.
Selon la presse allemande, une Allemande dénommée Lamia K. et sa fille, parties en août 2014 de Mannheim (sud-ouest), ont été arrêtées lors de la reprise en juillet dernier par les forces irakiennes de Mossoul (nord), la deuxième ville d'Irak. Au moins deux autres Allemandes sont aussi en prison en Irak, l'adolescente Linda Wenzel et une certaine Fatima M. qui est, elle, d'origine tchétchène.
En septembre, la même Cour pénale centrale irakienne avait pour la première fois prononcé la peine capitale contre un jihadiste russe, arrêté à Mossoul. En décembre, un Suédois d'origine irakienne a été exécuté, avec 37 autres personnes condamnées pour "terrorisme".
Selon les services allemands de renseignement, 910 personnes ont "quitté l'Allemagne pour rejoindre des groupes jihadistes en Syrie ou en Irak". Environ un tiers d'entre eux sont rentrés en Allemagne dont 70 qui sont considérés comme des combattants. Ils ajoutent que 145 autres ont été tués.
Dans un rapport datant d'octobre, le centre de recherches Soufan notait que 190 Allemandes avec 70 enfants avaient rejoint le "califat" proclamé en 2014 par l'EI en Irak et en Syrie, et aujourd'hui en lambeaux.
Dans la seule province de Ninive, dont Mossoul est le chef-lieu, "plus de 4.000 jihadistes ont été arrêtés" depuis juillet, selon la police.
- Plus de 5.000 étrangers détenus -
Sur le blog Lawfare, spécialisé dans les questions de sécurité, la chercheuse Kim Cragin de la National Defense University, affirmait fin novembre que 5.395 étrangers se trouvaient en prison en Syrie et en Irak.
Selon une source de sécurité irakienne, les jihadistes étrangers arrêtés sont présentés devant un juge du bureau du contre-terrorisme à Bagdad pour interrogatoire avant d'être déférés devant un tribunal anti-terroriste.
En juillet, la justice allemande avait annoncé l'arrestation à Mossoul d'une Allemande de 16 ans ayant rejoint l'EI. Des diplomates lui avaient rendu visite dans une prison dans la zone de l'aéroport de Bagdad, selon la presse.
La question du sort des jihadistes occidentaux capturés en Syrie et en Irak fait débat alors que certains d'entre eux ou leurs proches ont demandé à retourner dans leur pays d'origine après la défaite de l'EI.
Paris a estimé début janvier que les Français de la nébuleuse jihadiste capturés devaient être jugés sur place dès que les conditions le permettraient.
Le nombre total de personnes emprisonnées en Irak pour appartenance supposée à l'EI s'élève à 20.000, selon des chercheurs.
La loi antiterroriste en Irak permet d'inculper des personnes qui ne sont pas impliquées dans des actions violentes mais sont soupçonnées d'avoir aidé l'EI.
Les ONG ont accusé les forces de sécurité de "recourir à la torture pour obtenir des aveux".