La Commission des droits de l'homme,
Rappelant l'article 3 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui affirme que tout individu a droit à la vie, l'article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi que l'article 6 et l'alinéa a de l'article 37 de la Convention relative aux droits de l'enfant,
Notant que le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, dispose qu'aucune personne relevant de la juridiction d'un État partie ne sera exécutée et que chaque État partie prendra toutes les mesures voulues pour abolir la peine de mort dans le ressort de sa juridiction,
Accueillant avec satisfaction l'entrée en vigueur, le 1er juillet 2003, du Protocole no 13 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l'homme), relatif à l'abolition de la peine de mort en toutes circonstances,
Rappelant ses résolutions précédentes, dans lesquelles elle s'est déclarée convaincue que l'abolition de la peine de mort contribue au renforcement de la dignité humaine et à l'élargissement progressif des droits de l'homme,
Se félicitant que la peine de mort soit exclue des peines que le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, le Tribunal international pour le Rwanda et la Cour pénale internationale sont habilités à prononcer,
Se félicitant également que la peine de mort ait été abolie ou limitée dans certains États depuis sa dernière session, et louant les États qui ont adhéré récemment au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Se félicitant en outre du fait que de nombreux pays qui conservent la peine de mort dans leur législation pénale appliquent un moratoire sur les exécutions et se félicitant aussi des initiatives régionales visant à instaurer un moratoire sur les exécutions et à abolir la peine de mort,
Se référant aux garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort, énoncées dans l'annexe à la résolution 1984/50 du Conseil économique et social, en date du 25 mai 1984,
Notant que, dans certains pays, la peine capitale est souvent prononcée à l'issue de procès qui ne se sont pas déroulés dans le respect des normes internationales d'équité et que des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques semblent être de façon disproportionnée l'objet de sentences de mort, et condamnant les cas dans lesquels la peine capitale est appliquée à des femmes en vertu d'une législation discriminatoire au détriment des femmes,
Profondément préoccupée de constater que plusieurs pays appliquent la peine de mort sans tenir compte des limites établies dans le Pacte et dans la Convention relative aux droits de l'enfant,
Préoccupée de constater que, quand ils appliquent la peine de mort, plusieurs pays ne tiennent pas compte des garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort,
Préoccupée par le fait que les moratoires imposés aux exécutions capitales ont été récemment levés dans plusieurs pays,
Prenant note de l'examen, par le Comité des droits de l'homme, de questions ayant trait à la peine de mort,
Rappelant le sixième rapport quinquennal du Secrétaire général sur la peine de mort et l'application des garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort, présenté conformément à la résolution 1995/57 du Conseil économique et social, en date du 28 juillet 1995 (E/2000/3),
1. Accueille avec satisfaction le supplément annuel du Secrétaire général (E/CN.4/2004/86) rendant compte des changements survenus dans la législation et la pratique en matière de peine de mort dans le monde entier, dont la conclusion est que la tendance à l'abolition de la peine de mort se poursuit et qui fait état d'une augmentation du nombre de pays qui ont ratifié des instruments internationaux prévoyant l'abolition de la peine de mort ou y ont adhéré;
2. Réaffirme la résolution 2000/17 de la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme, en date du 17 août 2000, relative au droit international et à l'imposition de la peine de mort à des personnes âgées de moins de dix-huit ans au moment de la commission du délit;
3. Engage tous les États parties au Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui ne l'ont pas encore fait à envisager d'adhérer au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, visant à abolir la peine de mort, ou de le ratifier;
4. Prie instamment tous les États qui maintiennent la peine de mort:
a) De ne pas la prononcer dans le cas de personnes âgées de moins de dix-huit ans;
b) D'exempter de la peine capitale les femmes enceintes et les mères ayant des enfants en bas âge;
c) De ne pas prononcer la peine de mort dans le cas de personnes atteintes d'une quelconque forme de maladie mentale, ni d'exécuter un condamné atteint de maladie mentale;
d) De ne prononcer la peine de mort que pour les crimes les plus graves et en vertu d'un jugement final rendu par un tribunal compétent, indépendant et impartial, et de garantir le droit à un procès équitable et le droit de solliciter la grâce ou la commutation de la peine;
e) De veiller à ce que toutes les procédures légales, notamment celles engagées devant des tribunaux ou des juridictions d'exception et en particulier les procédures relatives aux crimes emportant la peine capitale, soient conformes aux garanties de procédure minimales énoncées à l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques;
f) De veiller à ce que la notion de "crimes les plus graves" ne s'entende que des crimes intentionnels ayant des conséquences fatales ou extrêmement graves et à ce que la peine de mort ne soit pas imposée pour des actes non violents comme les délits financiers, la pratique religieuse ou l'expression de convictions et les relations sexuelles entre adultes consentants;
g) De ne pas émettre, à l'égard de l'article 6 du Pacte, de nouvelles réserves qui puissent être contraires à l'objet et au but du Pacte et de retirer toute réserve de ce type qui pourrait avoir été formulée, étant donné que ledit article consacre les règles minimales pour la protection du droit à la vie et les normes généralement acceptées dans ce domaine;
h) D'observer les garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort et de satisfaire intégralement à leurs obligations internationales, en particulier celles qu'ils ont contractées en vertu de l'article 36 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires, de 1963, et plus particulièrement le droit de recevoir des informations sur l'assistance consulaire dans le contexte d'une procédure juridique, comme il ressort de la jurisprudence de la Cour internationale de Justice et ainsi qu'il est confirmé dans des jugements pertinents récents;
i) De veiller à ce que, lorsque la peine capitale est appliquée, elle soit exécutée de manière à causer le minimum de souffrances possible et ne soit pas exécutée en public ni de toute autre manière dégradante, et à ce qu'il soit mis immédiatement fin aux modes d'exécution particulièrement cruels ou inhumains, comme la lapidation;
j) De ne pas exécuter une personne tant qu'une procédure juridique la concernant est en cours, au niveau international ou national;
5. Engage tous les États qui maintiennent encore la peine de mort à:
a) Abolir définitivement la peine de mort et, en attendant, instituer un moratoire sur les exécutions;
b) Limiter progressivement le nombre d'infractions qui emportent cette peine et, pour le moins, ne pas en étendre l'application aux crimes auxquels elle ne s'applique pas aujourd'hui;
c) Rendre publics les renseignements concernant l'application de la peine de mort et toute exécution prévue;
d) Donner au Secrétaire général et aux organismes de l'Organisation des Nations Unies compétents des renseignements concernant l'application de la peine capitale et le respect des garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort, telles qu'elles figurent dans la résolution 1984/50 du Conseil économique et social;
6. Engage les États qui n'appliquent plus la peine de mort, mais la maintiennent en vigueur dans leurs textes législatifs, à l'abolir;
7. Prie les États qui ont reçu une demande d'extradition concernant une personne qui encourt la peine de mort de se réserver explicitement le droit de refuser l'extradition, s'ils ne reçoivent pas des autorités compétentes de l'État requérant des assurances concrètes que la peine capitale ne sera pas appliquée, et exhorte les États à donner de telles assurances le cas échéant;
8. Prie le Secrétaire général de présenter son rapport quinquennal sur la peine de mort et l'application des garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort, en accordant une attention particulière à l'application de la peine de mort à des personnes n'ayant pas atteint l'âge de dix-huit ans au moment du délit;
9. Décide de poursuivre l'examen de la question à sa soixante et unième session, au titre du même point de l'ordre du jour.
57e séance
21 avril 2004
[Adoptée par 29 voix contre 19, avec 5 abstentions, à l'issue d'un vote enregistré. Voir chap. XVII E/2004/23-E/CN.4/2004/127]