(Washington) Une majorité semblait se dessiner mercredi à la Cour suprême américaine pour réexaminer la condamnation à mort il y a plus d'un quart de siècle de Richard Glossip, une demande exceptionnellement soutenue à la fois par l'accusation et la défense.
La Cour est saisie, non pas de l'innocence que clame Richard Glossip, 61 ans, mais du respect de son droit à un procès équitable.
Des personnalités comme les acteurs Susan Sarandon et Mark Ruffalo ou le milliardaire Richard Branson ont pris fait et cause pour lui.
En 2015, le pape François avait adressé, via son représentant personnel, une lettre à la gouverneure de l'Oklahoma, État conservateur du Sud, Mary Fallin, pour lui demander de surseoir à son exécution alors imminente.
À neuf reprises, une date a été fixée pour son exécution, dont trois ont été reportées alors qu'il avait déjà pris ce qui devait être son « dernier repas ».
L'essentiel des près de deux heures de débats devant huit des neuf juges - le 9e, Neil Gorsuch s'étant récusé en raison d'une implication antérieure dans le dossier - a porté sur la question de savoir si la Cour suprême des États-Unis était compétente pour examiner une décision valablement formée de la justice d'Oklahoma.
Saisie conjointement en 2023 dans une démarche rarissime de demande de nouveau procès à la fois par le procureur général de l'État, Gentner Drummond, et de la défense, une juridiction de dernier recours de l'Oklahoma l'a unanimement rejetée.
Les deux parties ont donc saisi la Cour suprême des États-Unis, qui a sursis à l'exécution programmée en mai 2023 puis accepté en janvier de se saisir du dossier.
« Perverti le procès »
La juge progressiste Elena Kagan n'a pas mâché ses mots contre la Cour d'appel d'Oklahoma, lui reprochant d'avoir « tout balancé dans l'évier de la cuisine », sans ordre ni logique dans son raisonnement juridique, contrairement à son collègue conservateur Samuel Alito, pour qui la décision contestée « n'a rien d'ambigu ».
Sur le fond, les avocats de la défense comme de l'accusation ont exhorté la Cour à annuler la condamnation de Richard Glossip, reconnu coupable d'avoir commandité le meurtre en 1997 du propriétaire d'un motel dont il assurait la gestion, Barry Van Treese, sur la foi du témoignage du meurtrier, Justin Sneed, un employé du motel âgé de 19 ans.
Justin Sneed, accro à la méthamphétamine, n'a été condamné qu'à perpétuité en plaidant coupable et en l'incriminant. En prison, il a été diagnostiqué bipolaire et s'est fait prescrire l'administration de lithium pour y remédier. Mais lorsqu'il a témoigné au procès, il a menti à ce sujet, assurant notamment n'avoir jamais consulté de psychiatre, sans que la procureure ne le rectifie, selon de récentes révélations dans ce dossier.
Ses mensonges à la barre « ont fondamentalement perverti le procès Glossip », a affirmé Paul Clement, plaidant pour le procureur de l'Oklahoma. « Sans son témoignage, il n'y aurait jamais eu de condamnation pour meurtre et encore moins à la peine de mort », a-t-il souligné.
« Vulnérable aux manipulations »
A contrario, Christopher Michel, l'avocat ad hoc désigné par la Cour suprême pour plaider la position opposée, l'accusation ne pouvant jouer ce rôle, a assuré que la rétention d'information par les procureurs n'avait eu aucune incidence sur le résultat du procès.
Plusieurs juges, progressistes comme conservateurs, ont manifesté leur scepticisme à cet égard. L'un de ces derniers, Brett Kavanaugh, a ainsi indiqué « avoir du mal » à le suivre sur ce terrain si « le jury sait qu'il a non seulement intérêt à mentir, mais qu'il a menti à la barre et qu'il est bipolaire, ce qui ouvre de multiples voies pour remettre en cause sa crédibilité ».
Même si la défense de Richard Glossip n'a pas eu accès au dossier de médical de Justin Sneed, elle avait connaissance de ses troubles mentaux, mais a « choisi de ne pas les évoquer afin de ne pas renforcer la thèse de l'accusation selon laquelle Sneed était vulnérable à ses manipulations », a argué Christopher Michel.
Cet avocat qui a travaillé au cabinet du président, John Roberts, a appelé la Cour à se déclarer incompétente pour statuer sur la décision de la justice de l'Oklahoma.
Plusieurs juges ont interrogé les avocats sur l'opportunité d'une audience pour examiner les faits, mais tous les trois ont estimé cette option inutile.
Cette histoire a fait l'objet d'une série documentaire en quatre épisodes intitulée « Killing Richard Glossip ».